Intervention du groupe sur le Rapport d’Orientation Budgétaires 2024

Session publique du 24 novembre 2023.

Intervention de Jean LOCTIN :

Conseiller départemental du canton Nord-Toulois

 

Madame la Présidente, mes chers collègues,

Comme chaque année, vous sacrifiez au rite que la loi impose d’une présentation d’un rapport d’orientation budgétaire marqué principalement par l’amertume à l’encontre d’un État qui ne nous laisserait que peu de marges de manœuvre.

En serait-il autrement que nous ne saurions pas vos perspectives, vos intentions, vos ambitions et plus simplement les projets indispensables à l’amélioration de la vie de nos concitoyens et l’attractivité de notre département.

Quand nous évoquons un rite, nous regrettons surtout une présentation si tardive qu’elle s’affranchit de tout enrichissement possible pour amender un budget que vous avez déjà arrêté pour son vote dans moins de trois semaines.

Aussi, nous vous suggérons deux expérimentations pour améliorer le débat démocratique de notre assemblée, en faisant de notre département une référence en matière d’accès aux droits de tous les élus :
– Accorder à votre opposition l’accès au fil de l’eau aux mêmes informations que vos services pour l’élaboration d’un budget alternatif, car nous sommes convaincus qu’à vaincre sans péril on triomphe sans gloire.
– La seconde expérimentation concernerait l’élaboration d’un véritable statut de la présidence de la commission des Finances, dont la seule prérogative se réduit à ce jour à la signature de la convocation de ces réunions.

Définir et renforcer son pouvoir d’information, d’investigation et d’évaluation donnerait un vrai sens à cette fonction.

En vous soumettant ces deux propositions, j’espère ne pas donner raison à Georges BERNANOS qui nous disait que « l’espérance, ce n’est jamais qu’un désespoir à surmonter. »

Pour ne pas vous lasser mes chers collègues, nous ne relèverons que quelques éléments de ce document.

À titre d’exemple, citons pour commencer ce serpent de mer, le Château de Lunéville ! L’intérêt que vous lui portez depuis son incendie en 2003 se mesure davantage à la multiplication d’études de faisabilités, de devenirs improbables, d’interrogations existentielles. De réunions en commissions, vous entretenez le flou et l’illusion alors que tout le monde constate votre démotivation.

Comment ne pas faire le parallèle avec la réhabilitation de la caserne Thiry de Nancy, un réaménagement d’ampleur engagé par l’État depuis moins de 3 ans, sur un site de 13 000 m2 et pour un montant de 32 millions d’euros.

La fin des travaux est prévue en 2024. Trop fort l’État ! Vous n’avez de cesse de critiquer l’État mais il conviendrait peut-être de songer à faire preuve de plus d’humilité sur certains sujets.

Un autre élément qui devrait tous nous préoccuper : qu’en est-il vraiment de vos engagements en faveur des collégiens du département ?

Les ardeurs de l’un de vos prédécesseurs vantant avec conviction un Plan Collèges Nouvelle Génération de 335 millions, initialement prévu de 2012 à 2018, a vécu. Au compte administratif de l’exercice 2022, 10 ans après le lancement de ce plan, ce sont seulement 161 millions d’euros qui ont été investis, soit seulement un peu plus de la moitié du plan.

Au final, cela ne se résume qu’à une vulgaire politique classique de rénovation bâtimentaire ou tout au mieux à la construction de nouveaux équipements au succès pour le moins mitigé si l’on en juge les multiples désagréments rencontrés.

Dans le domaine de l’action sociale et des solidarités humaines, le nombre d’allocataires du RSA, quasiment identique depuis de nombreuses années, nous interroge.

Contrairement à ce qui nous a été répondu, ce niveau ne résulte pas d’un renouvellement des publics concernés puisque la moitié d’entre eux sont inscrits depuis plus de cinq ans !

Nous persistons dans la nécessité d’une plus grande rigueur dans le suivi et l’évaluation des entités auxquelles vous déléguez l’insertion, et tout particulièrement ces associations assez largement perfusées à la dépense publique.

Faut-il souhaiter que la loi Plein Emploi nous impose ce retour tant attendu à une activité moyennant un accueil renforcé par Pôle Emploi et le département ? Mieux cerner les freins et les fragilités à surmonter et aboutir à un contrat de réciprocité avec engagement du bénéficiaire d’heures hebdomadaires nous parait être une piste intéressante, à l’instar de ce qui est actuellement expérimenté dans d’autres départements.

En matière d’expérimentation, vous avez manifesté depuis plusieurs années une inclinaison toute particulière pour les multiplier, à hauteur d’une vingtaine selon notre décompte, et désormais trois de plus :
– L’expérimentation « territoire zéro non recours » : ce constat d’un échec du volet RSA nous obligeant à rechercher ceux qui ne bénéficient pas de l’aide publique. Nous nous éloignons considérablement de la réinsertion dans le circuit économique et de la dignité retrouvée par le travail ;
– L’expérimentation du « revenu d’émancipation jeune », un mantra de votre majorité plurielle ouvrant un droit pécuniaire aux jeunes de 16 à 24 ans sans exiger de contrepartie sur les six premiers mois mais tout en promettant un « engagement souple et adapté » dont nous parvenons mal à distinguer les contours.
Une avancée sociale dites-vous ? Une communication politique décomplexée dirons-nous !
Dois-je vous dire que nous sommes très réservés ? Ma collègue Anne LASSUS reviendra sur ce sujet au moment de l’examen du rapport.
– Enfin, dernière expérimentation, la « Maison de l’enfant et de la Famille » pour la coordination des parcours de soins complexes des enfants. Un noble projet donc nous souhaitons être pleinement associés dès sa conception et autrement qu’en suppléance, tant la situation actuelle est préoccupante.

S’agissant des mineurs non accompagnés auxquels vous réservez un accueil inconditionnel, comment peut-on faire partager à nos concitoyens qui se sentent déclassés que près de 10 millions par an sont consacrés à cet accueil, auxquels s’ajoute un investissement de 7 millions pour la création d’un nouvel établissement sur le site Sadoul de Laxou. Une capacité largement insuffisante qui nous oblige à investir le site du Cardinal Mathieu, encore et encore…

Pour d’autres politiques évoquées dans ce rapport, nos convictions peuvent se rejoindre.

Qui, de nos jours, ne fait pas sien l’engagement d’Hubert REEVES pour la défense de la Terre et son environnement ?

Depuis de très nombreuses sessions, notre groupe soutient à l’unanimité les espaces naturels sensibles, la préservation des milieux aquatiques, le respect des forêts, la préservation de la qualité de l’air et toutes mesures en ce sens.

Mes chers collègues, après ces quelques réflexions dont je mesure la portée par l’écoute que vous m’avez apportée, nous finirons par les finances.

Adeptes, des années durant, d’une prodigalité de cigales, vous voilà désormais convertis à l’orthodoxie de fourmis.

La dette, la dette, la dette !

Après avoir cumulé environ 360 millions de dettes en 2005, vous semblez désormais encombrés par une dette atteignant 147 millions (hors PPP).

Nous ne comprenons pas que vous vous enfermiez dans des contraintes prudentielles que seule l’absence de projet pourrait justifier. Vous avez fait état d’un emprunt d’équilibre mais il ne s’agit que d’une écriture administrative et comptable pour présenter des budgets équilibrés. La dette n’est-elle pas la marque de confiance dans l’avenir ?

Seriez-vous devenus des rentiers de la IIIème République assis sur des bons du Trésor ?

La politique, mes chers collègues, dois-je vous le rappeler, ce sont des projets, des investissements, des budgets de combat !

J’en terminerai avec le Baron Louis qui se rappelle à notre bon souvenir et qui nous disait « faites nous de bonne politique, et je vous ferai de bonnes finances ».

Merci pour votre écoute.

Jean LOCTIN