Débat d’Orientations Budgétaires 2017

Jean Loctin

Session publique du 23 novembre 2016.

Intervention de Jean LOCTIN :

(Conseiller départemental du canton Nord Toulois)

Chers collègues,

Comme chaque année vous livrez à notre examen, voire notre approbation, les orientations budgétaires que votre majorité a retenue pour l’année 2017.

Sans doute, aurions-nous été en responsabilité de cette institution, n’aurions pas eu les mêmes préoccupations d’abord par le choix de certaines actions, ensuite par la modification d’autres.

Je vous soumets au nom de notre groupe les réflexions que ce document suscite.

 

En matière de dépenses

► De toutes les priorités auxquelles notre collectivité doit faire face, nous aurions retenu l’accès à la communication, en l’occurrence la couverture de l’ensemble de notre territoire à la téléphonie et au réseau Internet. C’est une condition indispensable à l’implantation d’une part des familles, souvent primo accédant, et surtout, des entreprises, PMI, PME et TPE, de façon à bénéficier sur tout le territoire urbain et rural du même accès aux technologies de communication et marchés nationaux et internationaux.

Alors que vous vous satisfaites de votre politique de couverture téléphonique en Meurthe-et-Moselle, nous vous informions déjà depuis longtemps de la défaillance de celle-ci et de l’attente de ceux qui y sont confrontés au quotidien.

Nous tenons à votre disposition, et nous savons que cette démarche vous déplaît, plus de 200 réponses au questionnaire que nous avons nous-même adressé aux maires interpellés par leurs habitants et entreprises locales.

A cette difficulté, il faut ajouter les obstacles et les contraintes d’accès au réseau Internet dont ils n’ont pas manqué de nous faire part ! Nous vous avons demandé officiellement l’an passé, en séance, de nous réunir afin de réfléchir ensemble sur la politique menée, son adéquation avec les besoins grandissant des entreprises et des particuliers, son adaptation aux évolutions technologiques : toujours le même refus, le même aveuglement reposant sur la certitude de faire mieux avec le WIFI MIMO, dont tout le monde sait que c’est une erreur, une technologie vouée à disparaître !

Aujourd’hui, votre ralliement au projet de la Région vous permet de vous affranchir d’une obligation de résultat.

Chacun sait autour de cette table que nous sommes enfermés dans les obligations juridiques d’un contrat PPP avec Mémonet et Ozones dont certaines clauses ne peuvent être connues du public. Elles nous condamnent à aller jusqu’au bout de ce contrat sauf à payer des indemnités de rupture, sans nous exonérer du paiement total des travaux.

 

► Depuis plusieurs années, vous avez préféré privilégier l’éducation à travers le Plan Collèges Nouvelle Génération 2012-2016 puis 2016-2021.

Est-il encore, pour vous, un enjeu fort ? Si oui, pourquoi reporter d’année en année le terme d’un investissement, d’un coût global de près de 300 millions d’euros, passant de 5 à 10 ans !

Par ailleurs, ce plan fait pour durer et servir à plusieurs milliers de collégiens, n’aurait-il pas dû, pour cette raison, s’accompagner d’un emprunt initial d’une durée adaptée à son utilisation. Pourquoi faire supporter la totalité de son coût aux seuls contribuables 2016-2021 ?

En plus d’être juste, cela aurait permis de consacrer une partie de ces crédits à d’autres compétences importantes que nous avons négligées comme l’entretien des routes et leur sécurité, celui des ouvrages d’art et autres équipements vieillissants et dangereux  dont les crédits affectés ne sont pas à la hauteur des besoins, besoins recensés par les élus locaux.

 

► Parlons de notre politique touristique et son attractivité territoriale à défaut de pouvoir parler, désormais, des zones d’activités créatrices de richesses économiques.

Faut-il rappeler, ce n’est pas si lointain, les déclarations passées de la majorité dont une partie est encore présente, soutenant l’émergence en 2000 de sept sites dits « structurants » en Meurthe-et-Moselle !

La mémoire est chose utile pour mesurer les intentions et leurs réalisations. Avec le temps, ne sont restés que le Château des Lumières à Lunéville et le site de Sion –Cité des Paysages.

Parlons-en !

 

Le site de Sion, ce sont déjà plus de 10 millions investis et 4 millions de plus en projet !

Lors de cette session nous entendrons les conclusions de la mission d’information et d’évaluation dont la rédaction s’est attachée davantage à l’information qu’à l’évaluation, mais dès à présent peut-on se satisfaire d’autant d’argent public investi pour un résultat aussi artificiel ?

Sion est avant tout un lieu cultuel, spirituel, de repos et de quiétude, chers aux sœurs encore présentes sur place. Ne l’oublions pas ! Pour autant, est-ce véritablement notre vocation dans une République dont nous devons assurer la Laïcité.

Depuis l’entrée en activité du site, avons-nous constaté plus de visiteurs, en excluant cependant, ceux dont nous savons qu’ils sont des « obligés », particulièrement les scolaires à qui nous payons les bus pour se rendre sur ce lieu afin d’y être sensibilisés et informés aux bonnes pratiques ! Cela pose la question de l’exclusivité de Sion ?

Avons-nous raté l’occasion d’évoquer Barrès, un lorrain membre de l’Académie française,  les limites de sa pensée, comme une démarche pédagogique à l’égard des visiteurs en sortant ce site d’un certain anonymat ?

Pour notre part, il ne fait aucun doute que ce site ne méritait pas autant d’argent public : ce n’est ni Alesia, ni le Puy-du-Fou, ni les Beaux-de-Provence, encore moins Arc-et-Senans …

Cela a été au départ un choix politique, sans adéquation avec une étude, un potentiel projet, un potentiel public, choix personnel d’un seul homme dont nous subissons toujours les conséquences. 10 millions déjà + 4 autres à venir sans compter ceux à injecter pour sortir du sommeil la ferme Vautrin, certes hors d’eau mais qui n’offre aucune prestation à ce jour !

 

Le château des Lumières à Lunéville : il a, disons le franchement, l’avantage de n’avoir pas coûté cher en restauration ! Faut-il rappeler ce matin, que l’ensemble des investissements consentis, ont été couvert par l’indemnité de l’assurance (26,4M€) dont il doit rester au moins 10 M€ quelque part ! Et les aides de la Région et l’Europe. Aujourd’hui, quelle perspective lui accordez-vous ?

On ne voit malheureusement aucune avancée, aucune réflexion sur son utilisation, si ce n’est le choix peu enthousiasmant d’un musée porté par le CNAM ou la restauration de la galerie. Mais rien de solide, rien d’ambitieux, rien d’exaltant ! Pire d’année en année, ces projets et travaux sont repoussés !

En son temps, nous avions sollicité l’étude du transfert des archives départementales au château, lieu unique où les archives ducales auraient eu également un écrin exceptionnel de valorisation. Notre réflexion portait sur plusieurs aspects : l’utilisation d’un patrimoine historique dont l’inoccupation entrainera, sinon, sa dégradation, l’équilibre de la répartition des activités culturelles sur le territoire meurthe-et-mosellan, enfin une activité supplémentaire à Lunéville, avec des étudiants, des chercheurs, des particuliers consultant l’ensemble des archives, dans différents espaces dont la chapelle somptueusement rénovée.

Sur les 32,5 millions d’euros du nouveau bâtiment à l’ancienne école normale (IUFM), nous aurions pu en économiser probablement la moitié, faire revivre le château avec le reste et créer un projet culturel, éducatif et touristique d’envergure comme témoignage d’une vraie solidarité avec l’histoire et les habitants du lunévillois.

Vous avez balayé d’un revers de main cette perspective. Le résultat est là : une restauration suite à l’incendie, des jardins où s’installe temporairement « cagots et guinguette » … que dire du futur de la halle aux grains et du projet de passerelle ?

Nous ne savons toujours pas si sa réfection totale sera finie un jour ! Ce qu’elle coûtera ? Si nos partenaires seront toujours là : l’État, la Région, l’Europe et les autres ? C’est une faute politique et financière de ne pas y avoir installé les archives et ses activités annexes, doublée d’une incertitude actuelle, plutôt qu’une exception historique que nous aurions valorisée !

 

► Pour rester dans les grandes orientations budgétaires de vos politiques, nous dénonçons doublement la territorialisation.

Vos choix politiques et budgétaires ont eu raison de l’affichage de solidarité entre les territoires :

  1. les contrats territoriaux solidaires privilégient les chefs-lieux d’arrondissement, voire les bourgs centre : c’est un abandon organisé des communes, des « services aux publics » que constitue l’aide portée à leurs projets d’investissement, pour nos habitants. En divisant par six les crédits accordés à ce partenariat, doublé des baisses des dotations de l’État, vous avez enclenché l’arrêt de nombreux projets ! La rencontre avec les maires de notre département, en décembre prochain, sera l’occasion d’entendre et d’écouter leur désarroi. Faut-il être de la ville pour refuser de constater l’abandon que ces contrats occasionnent pour les plus petites communes, les plus démunies
  2. En second lieu, nous dénonçons cette territorialisation qui reposait sur une décentralisation des services qui n’est plus appropriée dès lors que les demandes de subventions ont considérablement baissé tant par la réduction des enveloppes budgétaires que par les conditions d’éligibilité. L’adaptation de nos effectifs est un point fort de nos divergences.

D’autant plus, pour être plus général, que la réduction de nos compétences imposée par la loi, ajoutée à notre réflexion sur la territorialisation devrait entrainer une révision de nos effectifs source d’économies importantes.

 

La solidarité

Pour 2016, compte tenu de la stabilisation effective du nombre de bénéficiaires, vous baissez de 4,5 millions d’euros l’enveloppe du RSA. Nous devrons mesurer l’évolution de cette tendance sachant que d’ores et déjà, l’augmentation du RSA socle de 2% devra être appréciée dans le budget 2017.

Cela ne doit pas vous soustraire dans vos politiques d’insertion, d’inciter l’inscription à pôle emploi des bénéficiaires qui ne l’auraient pas encore fait par manque d’information ou obligation.

En matière social, le maintien à 10% du taux chômage ne doit jamais nous satisfaire même à regarder d’autres départements. Chaque département a une situation économique et sociale qui lui est propre et faire des comparaisons n’a aucun sens, vous le dites bien lorsqu’il s’agit d’examiner les conditions de gestion du RSA d’un département à l’autre !

Monsieur le Président, chers collègues, faut-il vous rappelez quand un peu plus de 4 ans, pour être plus précis, le nombre de demandeurs d’emplois en catégorie A, B et C a progressé de 1.199.400 personnes, dont 650.000 pour la seule catégorie A , correspondant à aucune activité professionnelle.

Malgré toutes les annonces, les saupoudrages, d’argent public, les dispositifs contrats aidés, CUI, service civique, … le chômage continue de croître !

Nous engloutissons des sommes faramineuses sans pouvoir évaluer l’efficience des politiques publiques que vous conduisez.

Avez-vous fait mieux ? Le nombre de chômeurs s’est-il réduit, au mieux stabiliser dans notre département ? Les accords passés avec les organismes publics et semi public de l’emploi ou de l’insertion sont-ils pertinents? Faut-il les revoir ? Pôle emploi est-il toujours l’outil adapté à la recherche d’emploi ? Le partenariat 2016-2020 avec Pôle emploi (conventions et avenants) que nous examinerons au cours de cette session, nous en donne qu’une réponse partielle !

Comment justifier votre suivisme en la matière, alors qu’il faudrait s’attaquer de front au problème, en réformant profondément le marché du travail, en refondant le code des marchés et en restaurant la compétitivité des entreprises (50 milliards d’impôts depuis 2012).

Vous êtes responsables d’une réelle complaisance en n’étant pas intervenu auprès d’un gouvernement proche alors que vous avez en son temps marqué beaucoup de ferveur pour faire valoir des droits à compensation dans le financement des AIS, même si le résultat est un échec.

À titre complémentaire, pourquoi cautionner la panoplie des emplois aidés dont on sait qu’ils ne servent qu’à réduire artificiellement le chômage. En déplaçant ces salariés précaires dans une catégorie fantôme afin qu’ils soient non comptabilisés dans le calcul du nombre de chômeurs ?

Voilà 131 millions d’euros  au titre du RSA (DM n°2 incluse) dont seul le coût financier a semblé vous préoccuper dans la recherche de l’équilibre du budget, sans avoir sollicité avec force 5 députés de vos amis sur les 7 de ce département !

Pour s’attacher aux causes économiques et aux réformes indispensables, nécessaires à la résorption de ce drame humain.

Voilà chers collègues, ce qui nous diffère dans l’appréhension de l’avenir de notre département et de ses habitants : un autre souffle, une autre ambition en lui donnant les conditions primordiales de son développement et de son attractivité et d’aider nos concitoyens à retrouver une dignité par l’emploi plutôt que de pratiquer l’assistance

 

Les ressources financières

Oui, la pause fiscale, si elle vous fait souffrir, elle nous convient, tant nous avons été habitués à son rythme effréné : entre 2002 et 2012, pas moins de 8 augmentations des taux (6 des 4 taux et 2 du FB) localement, le montant total des prélèvements sur les particuliers s’étant  accru de 16,5 milliards d’euros au niveau national, concentrés sur moins de contribuables, avec un revenu fiscal ne suivant pas l’inflation, rendant plus insupportable l’augmentation actuelle des impôts.

Au Club de l’économie du Monde, le Premier ministre a dénoncé ce choix qui a pesé lourdement sur l’activité économique, un choc fiscal pour les gens, un choix politique désastreux renforçant le chômage, puisqu’il a pénalisé les entreprises en les taxant lourdement.

Alors oui, nous ne pouvons être que d’accord sur ce choix de stabilité des impôts bien qu’il faille relever que les bases sur lesquelles s’appliquent ces taux ont cru plus vite (1%) que l’inflation (0.1%) source Insee, dix fois plus !

En matière d’emprunt faut-il, chers collègues, sauf à vouloir afficher une option politique, considérer que le cercle vertueux d’un endettement mesuré, équilibré, a la même signification pour une collectivité tournée vers l’intérêt général que pour une entreprise soumise aux contraintes et spécificités du marché ?

En l’espèce, entrer dans un cercle vertueux, dès lors que la dette ne représente que 30 % de l’ensemble de nos ressources, n’est-il pas préférable d’envisager la possibilité de financer des investissements indispensables au mieux-être de nos concitoyens ?

 

Je vous remercie de m’avoir écouté.