Session publique du 1er février 2016.
Question d’actualité de Thibault BAZIN :
(Conseiller départemental du canton de Lunéville 2)
Monsieur le Président,
Lors de la cérémonie des vœux du vendredi 8 janvier 2015, vous avez évoqué la problématique des « fraudes ». Il s’agit d’un sujet sensible car il ne faut en aucune manière stigmatiser les plus faibles, ceux qui sont en difficulté, mais bien les aider à s’en sortir. Il ne s’agit pas de remettre en cause l’aide que nous devons à ceux dans le besoin, mais bien de combattre ceux qui, par leur abus, trahissent notre pacte social et la solidarité nationale.
Bien sûr, tous les bénéficiaires ne sont pas des fraudeurs, loin de là. Mais la fraude existe et il faut la combattre si nous souhaitons assurer la reconquête républicaine de nos territoires. Le coût estimé des fraudes aux prestations sociales et prélèvements sociaux s’élèverait à plus de 20 milliards d’euros en France.
La fraude aux prestations sociales doit être combattue pour des impératifs non seulement de justice sociale, mais aussi de bonne gestion des finances publiques. Rien ne peut excuser la fraude. Il ne faut pas oublier que derrière les allocations il y a des cotisations et des impôts.
D’autres conseils départementaux ont pris des mesures.
Le conseil départemental de l’Oise a décidé récemment d’instaurer des amendes pour lutter contre la fraude au RSA. En cas de fausse déclaration ou d’oubli délibéré de déclaration de revenus, le conseil départemental pourra établir une amende, indexée sur le plafond de la Sécurité sociale, allant de 105,66 euros à 12 680 euros en cas de récidive.
Le conseil départemental des Alpes Maritimes a mis en place en 2011 une brigade anti-fraude. Sa mission est de veiller à l’équilibre entre droits et devoirs des allocataires du RSA et à la sanction des fraudeurs. Cette brigade travaille en lien étroit avec les parquets.
Cette politique, expérimentée dans les Alpes-Maritimes, leur a permis d’économiser plus de 18 millions d’euros en 4 ans avec une équipe de 6 personnes et 162 plaintes déposées par le Conseil départemental à la suite des contrôles effectués.
Un département peut ainsi créer un plan de contrôle ciblé des allocataires du RSA installés dans le dispositif depuis plus de deux ans avec un croisement des fichiers de la CAF. Ce dispositif a deux objectifs :
- Détecter les anomalies de situation et, le cas échéant, prendre des mesures appropriées : soit suspendre, soit supprimer le RSA et engager des poursuites ;
- Remettre en contact les bénéficiaires éloignés avec un référent social en vue de leur insertion professionnelle et sociale. Car c’est bien l’objectif pour lequel nous devons mettre toute notre énergie.
Monsieur le Président, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures vous comptez prendre dans notre département pour renforcer la politique de lutte contre la fraude ?
Réponse de Sylvie BALON :
(Conseillère départementale du canton de Longwy)
Merci monsieur le Président, cher collègue,
Permettez-moi d’abord de m’étonner de votre choix de mettre en exergue ce chiffre de 20 milliards d’euros d’une question de la fraude au RSA, ce qui est, je trouve, particulièrement douteux. Quand on sait qu’en plus d’être contestable, ce chiffre recouvre à 80% la fraude aux prélèvements sociaux, c’est-à-dire principalement liée au travail non déclaré par les employeurs. Je m’interroge sur la sincérité de votre bienveillance à l’égard des bénéficiaires du RSA. Par contre, à entendre la suite de votre question, je ne doute pas de votre implication dans l’opération de communication de monsieur CIOTTI qui fait beaucoup d’effets d’annonce mais qui est peu transparent sur les chiffres qu’il avance.
Ceci étant dit, comme je vous l’ai déjà indiqué lors de la session de septembre, j’ai la volonté d’agir en prévention de l’ensemble des situations qui conduisent à des situations d’indus ou de fraudes, et, à ce titre, l’instauration d’amendes administratives n’est pas exclue.
J’ai commencé un travail de fond avec les services à ce sujet et je prendrai le temps qu’il faudra pour le faire aboutir, d’autant que la lutte contre la fraude existe déjà dans notre Département. Je vous indique en effet que sur 1000 contrôles sur place réalisés en 2014, 171 dossiers concernant le RSA ont été qualifiés de frauduleux. Je vous rappelle que ces contrôles sont principalement de la responsabilité de la CAF qui développe régulièrement des moyens plus efficaces. Ainsi, la CAF de Meurthe-et-Moselle a engagé un travail de développement informatique permettant le croisement des données et une identification précise de l’ensemble des contrôles de RSA pour 2016.
Nous n’avons, de ce point de vue, aucune raison de nous substituer à elle et le Département joue déjà son rôle dans ce domaine.
Par ailleurs, la lutte contre la fraude doit être appréhendée plus largement et être mise en perspective avec l’accès au droit, la qualité de l’information donnée aux allocataires sur les droits et obligations, les problématiques de taux de non recours ou de stigmatisation des bénéficiaires de minimas sociaux et la qualité de l’accompagnement proposée aux allocataires. Sur ces derniers points, je ne vous entends jamais. Pourquoi la dépense sociale au bénéfice de personnes en grandes difficultés ne vous importe qu’au regard des économies qui pourraient être réalisées et uniquement sous ce prisme ?
En France, un tiers de ceux qui ont droit au RSA ne le touche pas. Soit parce qu’ils ne le connaissent pas, soit parce qu’ils n’osent pas le toucher. Pourquoi n’est-ce jamais un sujet pour vous alors qu’il est au cœur de la justice sociale, objet de votre question ?
L’accès au droit et l’accès à la dignité pour les personnes concernées reste en tout cas une par priorité pour notre majorité.