Budget 2023 : le groupe UDC s’abstient

Session publique du 15 décembre 2022.

Question d’actualité de Luc BINSINGER :

Conseiller départemental du canton de Jarville-la-Malgrange

Madame la Présidente,

Mes chers collègues,

L’examen et l’adoption d’un budget constituent l’acte politique fort de notre collectivité.

Au-delà des dépenses et des recettes projetées, des lignes de crédits et des écritures chiffrées, nos budgets incarnent des priorités politiques qu’il nous appartient de traduire au quotidien, dans des actions concrètes au service de nos concitoyens.

N’y voyez pas là une volonté d’enfoncer des portes ouvertes ou de multiplier les lapalissades, mais plutôt le souhait de remettre la décision politique au centre du jeu, alors qu’elle est trop souvent décriée, méprisée, voire parfois résignée.

En ce sens, quelle n’a pas été notre surprise, Madame la Présidente, de lire à nouveau votre crainte de voir « [notre] département devenir progressivement [une] collectivité uniquement gestionnaire dont le rôle se limiterait à déployer localement des politiques nationales ».
Un risque que nous soulevons depuis plusieurs années au sein de l’UDC mais que nous imputons davantage aux décisions prises en ces murs qu’à des facteurs extérieurs.

L’adoption d’un projet départemental 2022-2028 aux poncifs généralistes illustre cette absence d’envie et d’énergie que le département devrait pourtant avoir pour tenir son rang. Raison pour laquelle – et contrairement à ce que vous affirmez ! – nous avons fait le choix, en mars 2022, de ne pas prendre part à son vote.

Dans un contexte toujours marqué par la guerre en Ukraine, la crise énergétique et l’inflation galopante, nous reconnaissons toutefois la difficulté de bâtir des projections réalistes et affinées pour l’exercice budgétaire à venir.

Cela étant, la période devrait vous inviter à davantage d’humilité dans la présentation de notre santé financière. Lorsque vous indiquez que – je cite – « malgré ce contexte difficile, notre Département dispose actuellement d’une solide situation financière résultant d’une gestion rigoureuse », vous retombez dans cette posture d’autosatisfaction permanente dont bien des éléments sont à relativiser. Vous soulignez ainsi en creux que la gestion des autres départements serait moins vertueuse que la nôtre, ce qui nous parait assez indélicat.

Mais la gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas de reporter indéfiniment des crédits et de différer la mise en œuvre de programmes décidés de longue date. La parole donnée, y compris par vos prédécesseurs, engage la collectivité et doit à ce titre être respectée. J’en veux pour preuve la gestion du site de la colline de  Sion ou encore la reconstruction du Château de Lunéville, des arlésiennes dont nous n’avons plus grande illusion.

La gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas mettre en réserve 21 millions d’euros de nos produits de DMTO. Une recette qui aurait pu être affectée à des politiques structurantes afin de rehausser le niveau d’investissement de notre département et de solder les programmes que j’évoquais précédemment.

Contrairement à vos discours souvent alarmistes sur le sujet, notons que nos droits de mutation sont particulièrement dynamiques et que le marché de l’immobilier concourt, pour une part non négligeable, à nos recettes.

La gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas injecter de l’argent public dans des dispositifs d’insertion professionnelle qui n’apportent aucun résultat probant, ni de créer en solitaire un revenu d’émancipation développé en son temps par le candidat Benoit
HAMON…

Trois chiffres attestent d’une inaction manifeste de notre département en la matière : 45 300 personnes au chômage, 21 401 foyers bénéficiaires du RSA et plus de 15 000 emplois non pourvus car concentrant d’importantes difficultés à recruter. Votre politique d’insertion fait défaut alors que nous ne cessons de vous appeler à cesser vos expérimentations bancales pour engager un véritable travail de fond avec l’ensemble des acteurs de l’emploi. Hélas, le Ministère du Temps libre de l’Union de la gauche connait toujours son bastion de résistance !

La gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas l’accueil inconditionnel de mineurs non accompagnés et la création d’un appel d’air pour des filières peu scrupuleuses. Si nous sommes nous aussi des humanistes attachés à l’accueil de populations persécutées et fuyant les pays en guerre, nous nous alarmons en lisant que vous envisagez la possibilité de créer « une aide spécifique pour les familles déboutées du droit d’asile », ce qui revient à braver des décisions rendues par les autorités administratives et judiciaires.

La gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas de donner plus d’argent à Amitiés Tsiganes qu’à nos agriculteurs, durement éprouvés par la sécheresse de cet été. Alors que leurs pratiques évoluent déjà pour certains vers l’agroécologie, nous considérons l’ambition du département insuffisante au regard de la transformation de nos modèles économiques, sociaux et environnementaux.

La gestion rigoureuse, Madame la Présidente, ce n’est pas faire porter notre responsabilité sur les épaules des autres. À cet égard et malgré vos critiques répétées contre l’État, nous n’avons pas manqué de relever des dotations et des concours financiers qui restent à un niveau important pour nous permettre de décliner nos politiques publiques localement.

Ainsi, nous opposons à cette gestion rigoureuse une gestion frileuse, hasardeuse et parfois malheureuse.

Parce que nous sommes des élus départementaux constructifs, nous nous réjouissons cependant de cette volonté affichée de prévoir 8,47 millions d’euros supplémentaires dédiés aux investissements. Nous serons particulièrement attentifs à ce qu’il en ressortira concrètement, compte administratif à l’appui.

Nous sommes convaincus qu’une mobilisation plus importante et anticipée de l’emprunt – donc à des taux plus avantageux – nous aurait permis d’investir davantage et de redonner du sens à notre action.

Alors que de nombreux investissements départementaux ne sont pas ou plus réalisés, comment se satisfaire d’une capacité de désendettement de 1,9 an ? Cela traduit en partie la paralysie de notre action, lorsque les mots ne deviennent plus que des
incantations.

Nous reconnaissons que les politiques de solidarité à l’égard des meurthe-et-mosellans les plus fragilisés sont toutefois plutôt bien exercées, grâce à des services et des actions particulièrement investis, même si tout reste perfectible.

Nous observons votre souhait de créer de véritables continuités écologiques dans nos bâtiments départementaux, avec une politique de l’eau particulièrement ambitieuse dans le Centre des Mémoires et désormais dans le collège Niki de Saint Phalle. Avec un peu de chance, il en adviendra peut-être des réserves de biodiversité fongique !

Si cela pourrait prêter à sourire, la construction de nos derniers équipements publics structurants est en réalité un échec, même si vous nous expliquez sans honte – je cite – que « ce qui se passe est un peu ballot, mais c’est un pur aléa de chantier ». Vous faites à nouveau porter la responsabilité sur les entreprises, alors qu’il s’agit bien d’une maitrise d’ouvrage départementale qui implique donc un suivi et un pilotage politique qui font manifestement défaut.

Nous saluons en revanche les grandes orientations du dispositif d’appui aux territoires et nous réjouissons de voir bon nombre de nos propositions reprises. Que ce soit dans l’augmentation des moyens alloués aux territoires, l’élargissement de l’assiette des collectivités éligibles au fonds « Solidarités communes », le déploiement de crédits pour les gymnases des collèges, les financements spécifiques alloués aux communes de la Métropole du Grand Nancy et non plus uniquement centralisés à l’échelle de l’EPCI…

Sur tous ces sujets, notre groupe a été à l’initiative, en concertation avec les maires et présidents d’intercommunalité de notre département.

Nous regrettons cependant votre position sur le fonds après-mines où nous sollicitions davantage d’anticipation sur l’avenir du bassin salifère. Nous demeurons convaincus que l’après-mines doit être pensé avant l’arrêt de celles qui sont encore en activité.

Nous souhaitions également que la politique de l’habitat et de l’aide à la pierre fasse partie intégrante des dispositifs éligibles à l’aide aux communes.

Car l’habitat et le logement sont en souffrance ! Bien qu’il s’agisse pour partie d’une compétence de l’État, la situation actuelle commande de travailler en synergie avec l’ensemble des partenaires institutionnels et du secteur privé. La rénovation énergétique des passoires thermiques imposée d’ici à 2030 nous oblige à accélérer dans ce domaine tout en accompagnant, en parallèle, l’offre de
constructions neuves.

Devant des procédures normées, parfois contraignantes et desinstructions souvent trop longues, ce secteur doit faire l’objet d’un accompagnement accru de notre collectivité et d’une réflexion plus approfondie sur l’offre de logements en milieu rural.

Vous pouvez compter sur notre action pour agir à vos côtés, sur ce sujet comme sur d’autres, dans une volonté réaffirmée d’être utile et moteur pour notre territoire et ses habitants.

Au regard des difficultés liées à la période actuelle, en conscience et parce que nous avons le sens des responsabilités, nous ne pouvons décemment pas voter contre ce budget. Parce que ces choix vous appartiennent, qu’ils vont pour certains dans le bon sens mais qu’ils restent largement perfectibles ; parce que nous ne désespérons pas de participer à la co-construction de ces politiques dans un esprit d’ouverture et de respect mutuel que nous appelons de nos vœux, le groupe de l’UDC s’abstiendra sur le budget primitif 2023.

Je vous remercie.

Luc BINSINGER