Analyse du Compte administratif de 2015

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Session publique du 23 Juin 2016.

Intervention de Michel MARCHAL :

(Conseiller départemental du canton de Baccarat)

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Le Compte Administratif (CA) est chaque année un moment de vérité.

Il permet de vérifier si les objectifs affichés lors du Budget Primitif (BP) sont atteints et d’avoir une vision réelle sur la situation financière de notre collectivité.

Comme c’est malheureusement le cas pour l’ensemble des collectivités, l’analyse de ce CA démontre, une nouvelle dégradation du soutien de l’État !

A entendre le Président de la République, « la France va mieux ». Ou bien c’est la méthode Coué -désuète de nos jours- ou alors ce sont les lunettes « Danoises » de notre président qui sont encore embuées du coup de chaleur qu’il a subi à la lecture du dernier sondage du Monde ne lui créditant plus que de 16% de sympathisants malgré toutes ses tentatives de séduction.

Après quatre années de mandat, la France est depuis plus de 4 semaines dans la rue. Les grèves, les arrêts d’activités et les blocages en tout genre ont émaillé l’actualité ces dernières semaines. Le nombre de personnes en recherche d’emploi n’a jamais été aussi haut! Le dialogue social est au point mort !  La rupture est atteinte !  On a l’impression que les minorités gouvernent !  Plus grave encore, le gouvernement, très démagogue, distribue sans compter l’argent qu’il n’a pIus : 4 Md€!

Le temps est venu où le Président de la République est confronté à ses mensonges. Nous avons tous en mémoire ses propos rassurants, de fin 2012, sur le financement des AIS, mais aussi un de ses nombreux mensonges : « Les collectivités disposeront des ressources pérennes et suffisantes … », on connaît la suite !

La situation est grave : 10 départements en cessation de paiement en 2015 et une quarantaine dans la même situation en 2016, dont sans doute la Meurthe-et-Moselle même si vous devez faire bonne figure lorsqu’il faut avaler toutes ces couleuvres gouvernementales !

L’analyse de ce CA va nous éclairer sur cette situation :

 

Les investissements :

Souvenons-nous, les investissements étaient votre prérogative :

Il est bon de comparer ce document avec le budget primitif et de vérifier la sincérité des engagements. Lors du discours d’ouverture de la session consacrée au budget primitif 2015, vous affirmiez « faire le choix de l’action par un soutien accru à l’investissement … et vous fixiez un cap à 192 M€ d’investissements ».

Quelle surprise !

Je n’évoquerai pas les opérations d’ordre qui sont plutôt des opérations comptables. Prenons seulement en compte les recettes et dépenses réelles :

  • En recettes au BP: 174 M€ au CA : 65,5 M€.
  • En dépenses au BP: 236 M€ au CA : 107 M€.

Vous constaterez que nous sommes très loin des chiffres annoncés !

Je souhaite aller plus loin dans la démonstration, surtout sur les dépenses d’investissement, véritables enjeux de soutien à l’économie.

L’analyse des chiffres est limpide. Pour mesurer l’impact sur le développement économique, il est bon de prendre en compte des éléments concrets, c’est-à-dire les chiffres répertoriés aux chapitre 204 ‚21 et 23 :

Les dépenses réelles de ces trois comptes sont de 75 M€. Cependant, le chapitre 204 ne correspond pas à un investissement réel du Conseil départemental. C’est le soutien à l’investissement des communes. Vous aurez compris, mes chers collègues que sur cette ligne-là, selon les orientations des CTS(s) qui viennent d’être votées, dans les années futures, la ligne budgétaire soutenant l’engagement de la collectivité auprès des communes sera modeste voire, ridicule !

Nous l’avons dénoncé. Nous continuons à dire que c’est une grave erreur économique.

Pour être concret, l’investissement départemental, sur son propre patrimoine, en 2015, n’aura été que de 52 M€. Bien en deçà des ambitions et des discours. Tous les ans, nous avons droit à un discours offensif sur l’investissement et tous les ans, la vérité des chiffres apporte un désaveu !

Vous avancez le PCNG, prolongé jusqu’en 2021, comme étant le premier investissement de notre collectivité : qu’en est-il réellement ? C’est toujours une supercherie ! Nous y avons consacré 6,6 M€ en 2013, 9,4 M€ en 2014 et maintenant 14,0 M€ en 2015 soit au total 30 M€ ! Soit 22% du plan triennal !

Au BP 2015 vous affichiez 29 M€ d’investissement. Seulement 50% d’exécution !

Impossible dans ces conditions de respecter l’engagement qui voudrait que l’on investisse en moyenne 45 M€ par an. Je le disais l’an passé : « sans avoir recours massivement à l’emprunt dans les années futures, le plan ne pourra être respecté »!

Dans cette assemblée, nous avons tous pris la mesure que nous ne pourrons à la fois :

► répondre à une demande sociale croissante donc considérable,

► assumer des obligations légales, mal compensées par l’État,

► mais aussi nombre d’obligations contractuelles résultant d’engagements antérieurs (AP/CP),

► et parvenir à consacrer à l’investissement les moyens nécessaires pour doter notre département d’équipements indispensables,

► mais aussi assurer la maintenance de l’énorme patrimoine départemental.

Ce que nous pouvons aujourd’hui reprocher à votre majorité, c’est de manifester une certaine autosatisfaction, à l’égard de cette politique d’investissement. C’est un véritable déni de réalité qui ne peut qu’interloquer, par exemple, les artisans et les patrons de petites et moyennes entreprises de plus en plus en souffrance !

 

Le fonctionnement :

L’analyse des dépenses et recettes de fonctionnement nous réserve aussi quelques surprises. Vous affichez une sous réalisation des dépenses : 92,5% et des recettes : 94,7%.

Nous pouvons comprendre la difficulté à appréhender, pour des raisons sociétales, économiques ou face aux non décisions gouvernementales, l’impact du montant des Allocations Individuelles de Solidarité.

Le décalage sur les prévisions des charges à caractère général – de 8% et sur les charges de personnels et – 4% nous avaient interpellés quant à leurs imprécisions lors de la programmation budgétaire.

De CA à CA, les charges à caractère général sont quasiment stables. La hausse de 2,5 M€ sur les transports de personnes (chap 6245) nous interpelle !

Les charges de personnels sont en trompe l’œil. Le BP prévoyait une dépense de 123 M€. Et là, grande et bonne surprise, la dépense n’est que de 117 M€. Seulement la comparaison avec le CA 2014 fait apparaître réellement une dépense en hausse de 2 M€. Je ne vous cache pas notre inquiétude pour l’avenir suite à la décision d’augmenter le point d’indice. Décision démagogique pris par vos amis politiques !

L’incapacité de ce gouvernement à enrayer la dégradation sociale de notre pays se traduit par une hausse constante et massive des bénéficiaires du RSA. De CA à CA c’est 85 M€ de plus, dont 2,5 M€ résultant de la volonté du gouvernement d’augmenter l’indemnité de 2%, tous les ans, pendant les 5 années du mandat présidentiel. … « un cadeau de pré-campagne » !

Vous aurez compris, Monsieur le Président, que la situation difficile à laquelle nous sommes confrontés est fortement impactée par les décisions de vos amis du gouvernement et ne trouve pas uniquement sont aboutissement dans une reprise de financement du RSA par l’État. La bonne politique est celle qui conduit à moins de bénéficiaires !

Globalement les dépenses de fonctionnement sont en augmentation de 17 M€. (2.5%). A la décharge de notre collectivité nous pouvons admettre que la progression des dépenses AIS, où seul progressent le RSA, et ASE sont extrêmement difficile à maîtriser. Elles s’élèvent à 4,3 M€ pour le AIS et à +3 M€ pour l’ASE.

Si l’on exclut ces dépenses sociales, les charges de fonctionnement sont en hausse de 6 M€. Nous ne pouvons donc pas considérer que notre collectivité ait jugulé ces dépenses ! La dégradation sociale de notre société en est certainement la réponse !

Les recettes méritent également des observations. Dans un climat politique très dégradé, le désengagement de l’État ne confère plus à ce dernier d’être garant de la solidité de nos collectivités. Pour faire face à la nouvelle baisse des dotations à hauteur de 13 M€ vous choisissez de vous désengager fortement dans l’aide aux communes et intercommunalités !

Cependant, les recettes issues des impôts et taxes, notamment les DMTO, et la progression de la taxe d’aménagement (+5 M€ DMTO, +1,5 M€ TA) auxquelles s’ajoutent une augmentation conséquente de la fiscalité directe de plus de 7 M€, compensent cette baisse.

Pourtant, il s’agit là d’impôts nouveaux pris sur le budget des ménages !

A la lecture de votre document, nous avons la confirmation que votre objectif prioritaire est toujours de réduire le montant de l’encours de la dette. La situation est redevenue stable même si la courbe repart (3 ans contre 2,6 en 2014). N’oublions pas aussi que la situation d’aujourd’hui doit beaucoup aux décisions d’hier en matière d’augmentation fiscalité.

Face à une progression du chômage et à une dégradation du taux de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, nous devons avoir une attitude responsable. Il est de notre devoir collectif de répondre à ces problématiques en choisissant les bonnes orientations politiques. Nous avons déjà eu ce débat. La politique qui est menée aujourd’hui par ce Département ne répond pas suffisamment à cet objectif.

La gestion que vous développez priorise le désendettement. L’équation est simple : moins d’emprunts c’est moins d’investissements, c’est aussi moins de création de richesse et donc d’emplois ! Dans le marasme économique que nous connaissons l’embellie sur l’emploi jaillira de l’investissement, qu’il soit public ou privé.

Dans la situation d’endettement de notre collectivité y compris le PPP  (251 M€ en 2015 – 364 M€ en 2010) et la capacité de désendettement à 3 ans, l’emprunt n’est pas un handicap. Au contraire, il devient vertueux dans la mesure où il contribue au redressement économique. C’est un « emprunt social » utile et progressiste !

La politique d’investissements, modeste, que vous menez, ne répond pas au problème majeur, social et économique de notre société et elle nous conduira, par les différés d’investissements notamment sur le réseau routier, à des surcoûts dans les années à venir. Les taux d’intérêts jamais aussi bas nous encouragent à l’emprunt.

Le taux d’épargne brut a fléchi mais ne passe pas en dessous des 10%, seuil qui est considéré comme révélateur d’une fragilité.

Longtemps le débat s’est focalisé sur les Allocations Individuelles de Solidarités. Ce sujet nous a valu, dans cette enceinte, des envolées lyriques et un acharnement antigouvernemental démesuré. Il est vrai que la droite était au gouvernement !

Aujourd’hui les propos sont plus nuancés, on s’excuserait presque ! Après 4 années de gouvernement socialiste, ce qui aurait dû être réglé par la droite ne l’est toujours pas par vos amis !

Le reste à charge est au niveau de 2013, avant les accords de Matignon. A cette date, ces accords vous donnaient satisfaction. Celui qui devait inverser la courbe du chômage cette année-là, a créé en 4 ans plus de demandeurs d’emploi que Nicolas Sarkozy en 5 ans, alors que ce dernier avait subi, de plein fouet, la crise de 2008 !

Nous savons tous que le nombre de bénéficiaires du RSA continuera à croître et que, par conséquent le décalage continuera à s’aggraver. Les nouvelles que vous venez de nous annoncer confirment nos inquiétudes. Les échanges entre le gouvernement et I’ADF, comme nous l’avions pressenti, se sont soldés par un échec. Adieu les belles promesses !

En résumé, ce Compte Administratif ne nous tranquillise pas :

Les difficultés rencontrées par les départements, suite au « double » désengagement de l‘État; baisse des dotations et mesures nouvelles qu’il impose, doivent trouver réponse dans une gestion plus rigoureuse des dépenses de fonctionnement, plus particulièrement sur les postes clés, notamment, les charges à caractère général et les charges de personnel.

Deux postes qui ne cessent d’augmenter au sein de notre collectivité par l’essor de la territorialisation alors que les crédits territoriaux baissent ! Qu’allez-vous confier comme responsabilité à nos agents, ceux qui géraient l’aide aux communes, ceux pour qui nous perdons, régulièrement, nos compétences ?

Le salut ne viendra pas uniquement de la recentralisation du RSA !

Vous l’aurez compris, Monsieur le Président, nous ne voterons pas non plus ce Compte Administratif 2015 (articles 2 et 3) mais nous voterons pour le compte de gestion (article 1er) puisqu’il est le reflet sincère des écritures comptables.