Analyse du rapport de la chambre régionale des comptes – 2007 à 2012

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Commission permanente de juin 2015

Intervention de Jean LOCTIN :

Monsieur le Président,

En préambule, j’évoquerai le délai qui sépare l’examen de ce rapport par notre assemblée départementale et la date à laquelle vous avez été personnellement rendue destinataire de celui-ci.

Huit mois … sept mois si l’on tient compte de la date de votre réponse aux premières observations … quoiqu’il en soit et, alors que nous vous avions réclamé à plusieurs reprises la date à laquelle nous pourrions examiner ce rapport, vous avez volontairement caché à l’opinion publique son existence.

Non pas par inattention, non pas par oubli mais bien parce qu’il aurait pût troubler cette même opinion publique à l’heure de la campagne des élections départementales.

Lors de la session du 2 février dernier, nous aurions tout à fait pût examiner ce rapport et les observations des magistrats sauf à ce qu’elles vous dérangent pour certaines d’entre elles !

Pour mémoire, lors des deux exercices précédents, 1999-2002 et 2002-2007, moins de trois mois avaient séparé la réception de ce rapport et son examen par l’assemblée.
La presse et nos concitoyens sauront juger cette pirouette électoraliste !

Qui a-t-il donc dans ce rapport de la chambre régionale des comptes qui vous ait convaincu d’en confier l’examen à l’assemblée qui sortirait des urnes ?

 

De la synthèse :

► « La gestion est globalement saine mais fragilisée par une progression plus rapide des dépenses de fonctionnement, notamment sociales, que des recettes ».

Nous dénonçons cette dérive des dépenses de fonctionnement depuis 17 ans :
M€ en 2007 contre 609 M€ en 2012 … +125 M€ en 5 ans …
… comme la baisse des dotations de l’État conjuguée à la situation non consolidée des allocations individuelles de solidarité (AIS).

► « Mettre à niveau la capacité d’hébergement, notamment pour le handicap et améliorer le contrôle des indus ».

C’est notre talon d’Achille : un manque de places qui conduit les familles à placer les personnes en situation de handicap dans des établissements en Belgique.

► « Les comptes du Département comportent plusieurs anomalies … la provision de plus de 11,1 M€ pour la création de places en établissement … sur des programmes non comptabilisés depuis 2009 …altère les résultats de chaque exercice ».

Nous verrons plus loin que cette décision « d’une provision » était illégale !

► « Le recours à un contrat de PPP était risqué … des anomalies ont été constatées au stade de l’appel à candidatures … des pertes commerciales systématiques compensées par une subvention d’équilibre du Département ».

Si l’engagement de notre collectivité dans le contrat PPP a été validé à l’unanimité avec les réserves que nous avions posées au moment du vote, les observations des magistrats de la CRC au chapitre 5 sont accablantes.

 

Des observations thématiques :

La fiabilité des comptes :
« Des erreurs d’affectation entre budgets … 500.000€ de biens du réseau haut débit restent à tort imputé au budget principal » …

Pour revenir sur la provision de 11,1 M€ : «  3,3 M€ ont financé de nouvelles ouvertures en 2011 » pour autant, « aucune recette ne peut-être provisionnée. Le dispositif est irrégulier et les inscriptions budgétaires associées insincères » !

Pour évoquer le contrat PPP : « jusqu’à 2013, l’intégration de la dette du contrat PPP n’était pas transcrite dans la dette départementale ». Une erreur !

Au niveau de l’affectation des résultats : « en 2011, l’excédent de fonctionnement est par conséquent sous-évalué … les anomalies nuisent à la lisibilité et à la transparence des comptes … ».

L’analyse financière :
Le produit de la fiscalité directe : « entre 2008 et 2009, +7% … la Meurthe-et-Moselle se situe au-dessus du niveau des départements relevant de la même strate ». Et pas dans la moyenne !

« Entre 2009 et 2010, +4,1% … depuis 2011, +59% lié à la TFPB : 8,5% entre 2010 et 2011 et +23,6% entre 2010 et 2012 ».

« La TIPP progresse de plus de 21% sur la période … passant de 55,6 M€ à 67,5 M€ ».

« Les charges générales ont évolué de plus de 11% entre 2008 et 2012 » !

« Les charges de personnel représentent 20% du montant total des dépenses de gestion des services … une augmentation de 8,4% entre 2008 et 2012 » !

« Les effectifs totaux ont connu une progression de 8% pour atteindre à la fin de l’année 2011, 2.836 emplois y compris les emplois d’assistants maternels » ! Ils sont supérieurs à 3.300 aujourd’hui !

« La capacité d’autofinancement nette « retraitée » a progressé de 20% entre 2008 et 2012 en raison de la baisse du montant de remboursement de la dette en capital ».

« Les dépenses d’investissements ont baissé de près de 27% entre 208€ et 2012 … 229€ par habitant en 2011 pour une moyenne par strate de 324€ ». Bien loin des discours publics !

La tarification :
Cette partie n’appelle pas de remarque supplémentaire par rapport aux nombreux débats et interventions sur le sujet général des AIS(s) sauf pour l’hébergement.

« En raison de leur faible effet sur les tarifs, le Conseil général a décidé, en juin 2010, de ne plus subventionner les créations de nouveaux établissements, ni l’humanisation des structures existantes des personnes handicapées ou des personnes âgées » !

Le haut débit en Meurthe-et-Moselle :
Contrat PPP signé le 29 juillet 2008 suivi de 4 avenants.

« L’analyse présentée par le Conseil général omet d’aborder la complexité juridique du projet » !

« Sur les 2 modèles de commercialisation, seul le second a été analysé alors que le premier offrait la possibilité de percevoir 10% de recettes complémentaires » !

« Le choix du financement à 90% 10% » !
« La MAPPP appelait l’attention sur le caractère élevé de l’assiette de financement : 80%  … la collectivité n’a pas suivi cet avis et est même allée au-delà acceptant une cession de créance de 90% du coût des investissements initiaux » !

« Six risques ont été présentés comme majeurs aux élus … de façon global et non risque à risque » !

« Les risques liés à l’organisation résidaient dans le fait que le réseau soit exploité par une personne différente de celle qui l’a conçu » !

« Certains candidats ont été admis à présenter une offre alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions de participation fixées dans l’avis d’appel public à concurrence. Ainsi plusieurs d’entre eux dont le titulaire qui aurait dû être exclu à ce stade, n’ont pas fourni la note … ».

« La technologie proposée, l’ADSL, ne répondait pas aux besoins spécifiés par la collectivité, laquelle l’avait exclue d’emblée comme ayant atteint ses limites » !

« Sur cinq candidatures, deux étaient inéligibles … une ne remplissait pas les conditions techniques … seules deux candidatures étaient donc recevables ce qui est inférieur au minimum imposé pour les dialogues compétitifs. Cet appel à candidature aurait donc dû être classée sans suite » !

« Le contrat de partenariat n’a jamais été formellement notifié à la société de projet. En conséquence, un doute persiste quant à sa validité » !

« Le montant des recettes commerciales est très inférieur à celui estimé … le risque commercial a mal été évalué dès le début de la procédure » !

« Sur la période 2009-2012, les subventions d’équilibre … ont dépassé les 6 M€ » !

« Le subventionnement du budget annexe haut débit par le budget départemental est irrégulier » !

 

Conclusions :

Monsieur le Président, nous comprenons mieux maintenant pourquoi les observations des magistrats de la chambre régionale des comptes étaient peu flatteuses à l’endroit de la gestion départementale 2007-2012.

Si la question des écritures budgétaires ne porte pas péril à la gestion de notre collectivité, en revanche l’augmentation chronique des dépenses de fonctionnement confirme nos craintes maintes fois répétées. Vous prônez comme lors du dernier budget « une maîtrise de dépense de fonctionnement » alors que les comptes administratifs et les magistrats nous démontrent le contraire ! Pour preuve, elles ont plus que doublé en 10 ans ! (301 M€ au CA-2002 ….. 609 M€ au CA-2012) !

L’accompagnement des personnes en difficultés, âgées, en situation de handicap ou relevant de l’enfance n’est pas simple mais faire le constat d’un manque de places pour l’accueil, l’hébergement ou le placement n’est plus acceptable. Cela doit devenir l’une de nos priorités départementales.

Les dépenses d’investissement ne sont pas là ! Bien en deçà des départements de même strate alors que la pression fiscale atteint des niveaux que vous avez dépassés depuis !

C’est un constat d’échec comme pour celui du dossier haut débit ou certes il faut trouver aller de l’avant et trouver de nouvelles solutions pour enfin atteindre les objectifs fixés sans pour autant oublier les irrégularités pointées du doigt par les magistrats qui pourraient être une plaidoirie pour « casser » l’actuel contrat PPP ?