Restrictions de constructibilité sur la commune de Varangéville

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Session publique du 21 septembre 2015.

Question d’actualité de Christopher VARIN :

(Conseiller départemental du canton de Lunéville 1)

Monsieur le Préfet,
Monsieur le Président,
Chers collègues,

La commune de Varangéville supporte depuis maintenant 15 ans des restrictions de constructibilité de la part de l’Etat, dues à l’exploitation minière de son sous-sol. Ce qui a pour effet direct d’empêcher son développement économique et démographique. Les habitants voient leurs biens se déprécier et sont très inquiets face à cette situation qui perdure. Un climat de défiance vis-à-vis des services de l’Etat est en train de s’installer suite au sentiment d’abandon généré par le tourbillon d’études, vécu comme interminable, venu submerger les Varangévillois sur cette période. Les deux tiers de la commune sont inconstructibles, le dernier tiers restant est inondable.

L’Etat se réfugie derrière le fameux principe de précaution pour imposer des contraintes devenant de plus en plus insupportables pour la commune et pour ses habitants. Le sujet est de savoir s’il y a bien risque lié à cette problématique à court terme et à long terme (I.), si le risque est maîtrisable (II.) et de mettre en œuvre des solutions efficaces pour libérer Varangéville de certaines contraintes (III.).

 

► L’étude de GEODERIS du 27 janvier 2014 explique en ces termes :

« Dans la situation où la mine reste sèche, les mouvements attendus de la surface du sol ne sont pas de nature à bloquer la constructibilité du bâti. Des dispositions constructives sont possibles compte tenu des intensités attendues qui se produiront sur une échelle de temps importante… »

Cette étude démontre donc qu’en cas de mine sèche, l’aléa mouvement de terrain n’a pas été retenu puisque le rapport conclu au fait que la stabilité des zones actuellement urbanisées de la Commune est assurée.

En revanche, en cas d’ennoyage, un phénomène d’affaissement du sol n’est pas à exclure. Les scenarii d’ennoyage de la mine retenus permettent toutefois d’établir que l’affaissement du sol peut-être certes brutal mais ne peut résulter que d’un processus long, issu d’une situation prolongée (de plusieurs mois) de présence de l’eau dans la mine. De ce fait, les risques pour la sécurité des personnes sont nuls puisque la détection de la présence de l’eau permet d’anticiper la réalisation du risque et la sécurisation des personnes. Seuls des dommages aux biens peuvent être en cause, en l’absence de toute action de prévention et de lutte contre l’ennoyage de la mine.

 

► Par conséquent, il semble logique d’appliquer le principe de précaution lorsque le risque n’est pas maîtrisable. Dans le cas de Varangéville et au regard des études, ce risque est maîtrisable à partir du moment où les deux acteurs principaux que sont l’Etat et l’exploitant assurent leur fonction de surveillance.

Au regard du Droit minier il appartient à l’autorité détentrice du pouvoir de police des mines (l’Etat) de veiller, au cours de l’exploitation, au moment de la procédure d’arrêt des travaux miniers et même après cette dernière, à ce que l’exploitant prenne toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les risques induits par son exploitation.

L’exploitant met actuellement les moyens nécessaires à la surveillance de la mine et parvient à extraire les eaux parasites par le biais d’un pompage de 10m3 d’eau par jour sans aucune difficulté depuis que l’exploitation de la mine a commencé en 1873. Lorsque l’exploitant quittera la mine ce sera à l’Etat d’assumer cette surveillance et cette extraction. Si chacun fait son travail, il n’y aura aucun problème. Nous venons donc de démontrer qu’il est parfaitement envisageable d’éviter le risque dont vous nous parlez et que si le risque survient il sera parfaitement maîtrisable.

Sachez-le, Varangéville considère que l’Etat doit se porter garant de la sécurité des biens et des personnes sur ce territoire. Par conséquent il est de votre devoir de maintenir l’état de mine sèche OU de supprimer totalement le risque.

 

► J’arrive à la fin de mon propos, il me paraissait essentiel de remettre les choses dans leur contexte avant de poser des questions simples, franches, efficaces qui ne se contenteront pas des réponses quasi automatiques et formatées qui ont été données aux acteurs de Varangéville depuis 15 ans. C’est en tant que Conseiller Départemental que je me joins aux élus de la commune pour vous soumettre ces questions. Mon but ici, Monsieur le préfet, est de faire avancer le dossier, son approche et son solutionnement. Il s’agit d’être efficace et déterminant, il est tant après 15 ans d’enlisement.

Alors sur le court terme :

Varangéville est frappée par deux contraintes majeures qui paralysent la quasi-totalité de son territoire : la constructibilité et les inondations.

Du fait de cette situation atypique, isolée et peu conventionnelle, je demande l’appui des services de l’Etat sur l’édification du futur PLU afin d’obtenir des dérogations aux directives qui empêchent Varangéville de se développer en zones actuellement non urbanisées et des aides financières pour le développement de nouvelles infrastructures.

Enfin sur le long terme, je demande dans un premier temps à ce que l’Etat s’engage à tout mettre en œuvre afin de maintenir l’état de mine sèche dans cette mine de sel. On l’a vu ceci est possible depuis 1873, pourquoi ne pas continuer tant que ceci est nécessaire pour garantir la sécurité des biens et des personnes?

Dans un deuxième temps, est-il possible d’envisager la résorption du risque en amorçant des études portant sur le remblaiement total ou partiel de la mine ancienne ou sur des systèmes de cloisonnement ?

Monsieur le préfet, le Sel de Varangéville a contribué à la sécurité de nombreux citoyens français sur les routes enneigées. Varangéville a besoin de leur aide par votre intermédiaire afin de mieux vivre cette situation et de retrouver l’oxygène dont elle a besoin.

Je vous remercie par avance pour les réponses que vous m’apporterez.

 


Réponse de Philippe MAHE :

(Préfet du Département de Meurthe-et-Moselle)

Monsieur le Conseiller Départemental,

Vous appelez mon attention sur les restrictions urbanistiques imposées à la commune de Varangéville depuis une quinzaine d’années, et sur le sentiment d’abandon et de défiance éprouvé par les élus locaux et les habitants vis-à-vis des services de l’Etat au regard de cette situation.

En préambule, je souhaite vous indiquer que je comprends tout à fait l’impatience voire l’exaspération éprouvée localement tant par les élus qui souhaitent assurer le développement de leur commune, que par la population qui s’inquiète notamment des risques de dévaluation immobilière de leurs biens.

La situation « d’enlisement » décrite ne me semble cependant pas refléter la réalité et le degré d’engagement des services de l’Etat sur ce dossier. Je vais par conséquent m’efforcer d’apporter des réponses claires et précises à vos différentes interrogations.

Les possibilités d’urbanisation sur la commune de Varangéville sont en effet contraintes depuis le 2 avril 2002 et la mise en place par l’Etat d’un protocole de constructibilité. Ce protocole visait à assurer la sécurité des biens et des personnes dans l’attente de la remise d’un rapport permettant d’évaluer les aléas « mouvements de terrains » associés aux quartiers anciens de la mine de sel.

Ce rapport a été élaboré par « GEODERTS »[i] sur la base de différentes études et expertises réalisées au niveau national et international, et remis le 27 janvier 2014 à la DREAL Lorraine. Il constitue désormais le socle de connaissance pour toutes décisions en matière d’aménagement et d’urbanisme sur le territoire de la commune de Varangéville.

Le rapport fait ainsi apparaître un risque d’effondrement brutal et généralisé uniquement en cas d’ennoyage de la mine par de l’eau ou de la saumure, a l’exception d’un secteur (secteur 8) concerné par un aléa d’affaissement progressif. La stabilité des quartiers concernés est en effet assurée en condition de mine sèche.

Je vous confirme également que la sécurité des personnes devrait, dans des circonstances normales et maîtrisées, pouvoir être assurée, puisque le phénomène d’ennoyage résulte d’un processus sur plusieurs mois d’après les études. La sécurité des personnes pourrait cependant être engagée en cas de circonstances exceptionnelles dont la nature peut difficilement être identifiée à ce stade.

Depuis la remise de ce rapport, deux axes d’intervention sont ainsi privilégiés afin de me permettre de définir les règles d’urbanisme applicables sur le territoire de cette commune dans les meilleurs délais.

► Le premier axe d’intervention vise à définir les éventuelles règles de construction à respecter en vue d’assurer la sécurité des personnes et des biens en cas de survenance des aléas.

J’ai ainsi mandaté le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTh) afin de disposer d’une étude me permettant d’apprécier les possibilités d’adaptation des règles de constructibilité à la vulnérabilité des secteurs soumis aux aléas. Cette étude se décompose en trois phases dont la dernière est attendue pour la fin de l’année 2016. Je peux cependant dès à présent vous indiquer que les résultats de la 1  phase de l’étude concluent à l’absence de dispositions constructives connues à ce jour permettant d’assurer la sécurité des personnes et des biens en cas d’effondrement brutal et généralisé. Ces conclusions ont été portées à la connaissance des élus.

► Le deuxième axe d’intervention consiste à apprécier les moyens susceptibles d’être mis en œuvre afin de supprimer ou de prévenir les risques d’ennoyage de la mine.

Je vous confirme ainsi qu’il relève de la responsabilité de l’exploitant minier de prendre toutes les mesures nécessaires, pendant et après l’exploitation, pour supprimer ou prévenir les risques induits par son activité.

La société « Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l’Est » (CSME) assure ainsi actuellement une surveillance constante des anciens travaux et le maintien des moyens nécessaires – tels que la récupération et l’exhaure des eaux de toute nature – pour conserver les conditions globales d’une « mine sèche ». Cependant si les actions de surveillance et de pompage réalisées ont vocation à maîtriser le risque d’ennoyage de la mine en réduisant sa probabilité d’occurrence, elles ne peuvent aucunement supprimer la possibilité de survenance de ce risque résultant notamment d’une arrivée d’eau ou de saumure non maîtrisable.

Dans ces conditions, l’éventualité qu’un effondrement se produise à plus ou moins long terme ne peut être écarté, et que tout ou partie de la population des quartiers concernés soit à évacuer, et que leurs biens immobiliers soient fortement dégradés.

C’est dans ce contexte que j’ai demandé à la société CSME de me remettre une étude permettant d’apprécier les possibilités techniques et le coût lié à un remblaiement total ou partiel des anciens quartiers de la mine afin de supprimer le risque d’ennoyage. Les résultats de cette étude sont attendus au cours du dernier trimestre de cette année.

Vous l’aurez donc constaté, Monsieur le Conseiller départemental, les services de l’Etat sont pleinement mobilisés sur ce dossier prioritaire afin d’aboutir à une prise de décision qui ne pourra cependant intervenir qu’à la fin de l’année 2016, voire au début de l’année 2017 au regard de la date de remise de la dernière phase de l’étude du CSTB.

Je dois en effet disposer de l’ensemble des éléments d’informations me permettant d’étudier toutes les options possibles pour permettre à la commune d’assurer son développement tout en garantissant la sécurité des biens et des personnes.

Dans l’immédiat, et concernant l’élaboration du plan local d’urbanisme, mes services veilleront à accompagner la collectivité afin d’aboutir à un projet communal de développement équilibré, tenant compte des nombreuses contraintes, en étudiant toutes les possibilités de développement.

Je vous indique enfin que les élus concernés sont régulièrement informés de l’état d’avancement de ce dossier à travers l’organisation de réunions régulières, dont la dernière s’est tenue à la préfecture le 11 aout dernier, ainsi que dans le cadre de la réunion annuelle du comité interdépartemental d’information et de concertation sur les risques miniers dans le bassin salifère lorrain, dit « comité sel », dont la prochaine réunion est fixée le 4 février 2016, et dont le président du conseil départemental est membre de droit.

GEODERTS : Groupement d’Intérêt Public (GIP) constitué entre le BRGM et l’INERIS qui apporte à l’Etat assistance et expertise en matière d’après-mine.