Nos reproches sur le Budget primitif

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Session budgétaire du 14 mars 2016.

Intervention de Michel MARCHAL:

(Conseiller départemental du canton de Baccarat)

Monsieur le Président, Chers collègues,

Ce Budget Primitif est le premier de la mandature. Il s’inscrit dans un climat de récession financière, conséquence des orientations dramatiques prisent par l’état. Vous évoquez un contexte budgétaire de plus en plus contraint ! Est-il nécessaire de rappeler que ces orientations sont la conséquence des décisions prises par vos amis politiques !

L’étranglement progressif des collectivités nous inquiètent quant à l’évolution du marché de l’emploi.

Si d’ordinaire le budget est voté en décembre, son décalage lié au renouvellement électoral de 2015 vous faisait espérer de voir levées les incertitudes sur le financement des allocations de solidarités. Votre souhait d’obtenir de l’Etat, avant l’échéance budgétaire 2016, une reprise en charge du RSA n’a malheureusement pas été exaucé !

En 2016, pour notre collectivité, rien ne change. Alors que d’autres départements recevrons une dotation particulière, la Meurthe et Moselle devra assumer l’intégralité du reste à charge des AIS, soit 102 M€ – 8M€ de plus qu’en 2015 !

Ce bras de fer, mené de longue date par l’Association des Départements de France, n’a pas encore abouti à une situation satisfaisante.

Pourtant, nous avons souvenir des annonces qui ont accompagné les accords de Matignon du 16 juillet 2013.

Votre prédécesseur, dans une digression partisane, s’enthousiasmait à chaque interview : « le problème du RSA était résolu » !

Ce qu’un gouvernement de droite n’avait pas fait, le gouvernement Ayrault, d’un coup de baguette magique, venait de le solutionner !

Quelle posture politique !

Quelle naïveté que de croire en cela !

C’était oublier l’incapacité de ce gouvernement à créer de l’emploi générant une augmentation constante et massive des bénéficiaires du RSA (+3,3% en 1 an – 23.000 bénéficiaires en M&M).

Hélas, la négociation avec le gouvernement Valls n’est aujourd’hui pas encore finalisée. L’Assemblée des Départements de France a beau afficher un front uni, en dépit des différents courants qui la composent, elle se heurte à une position ferme du gouvernement, qui accepterait la recentralisation du RSA à condition d’annuler les recettes perçues par les Départements ou de percevoir les recettes nécessaires auprès de ces mêmes Départements ! Rien n’est encore acquis.

L’inversion de la courbe du chômage, tant promise par le Président Hollande n’est pas encore d’actualité. Si elle se produit un jour, elle sera le résultat par de mesures artificielles. Ce n’est pas non plus la reculade dramatique sur la loi El Khomri qui enrayera l’augmentation des demandeurs d’emploi et par conséquent le nombre de bénéficiaires du RSA.

Le RSA est bien évidemment l’allocation la plus lourde et celle qui progresse le plus vite au regard de la dégradation sociale et économique de notre pays. Mais n’oublions pas l’APA et la PCH, stabilisées certes, mais dont le montant restant à charge s’élève à 70M€.

Quant à la baisse des dotations de l’État, c’est pour notre Département une casse budgétaire plus sévère encore que la hausse du RSA, en trois fois moins de temps …

… notre DGF accuse une baisse de 10% (11.8M€). En 3 ans, notre dotation a reculée de 24M€ ! Pour mémoire, de 2007 à 2012, elles étaient stables à 135M€.

 Dans le BP-2016, vous affichez trois orientations majeures.

La première trouve sa déclinaison, en direction de la jeunesse, dans le plan de lutte contre la pauvreté des enfants et dans l’élaboration d’un plan départemental enfance- famille.

Bien évidemment, nous souscrivons à ces mesures mais nous souhaitons, avant tout, des réalisations concrètes et pas seulement des intentions.

Contrairement à toutes nos autres politiques publiques, l’Aide Sociale à l’Enfance bénéficie enfin d’une augmentation de crédits.

Cette volonté affichée illustre parfaitement la situation très dégradée que connaît actuellement notre pays. Comme pour le RSA, nous subissons une mauvaise politique de la Famille couplée à un accueil, en constante progression, des mineurs étrangers isolés, sans compensation réelle de l’Etat ! Je tiens à saluer le travail difficile conduit par les agents de notre collectivité et par tous ceux qui œuvrent au sein des associations partenaires au cœur de cette politique.

Les deux autres orientations, la solidarité avec les territoires et le soutien à l’emploi sont très liées. Elles appellent de notre part à davantage d’observations.

Comment pouvez-vous oser évoquer, en permanence, une solidarité envers les territoires et proposer un tel plan d’aide aux collectivités locales ?

Si, l’aide aux communes n’est pas une compétence obligatoire, elle contribue depuis toujours dans notre département à l’aménagement et au développement de celui-ci, territoire par territoire, commune par commune.

Anesthésier, dans vos discours, les communes et annoncer que nous sommes un des rares départements à encore mener une telle politique à l’égard des collectivités, relève de la forfaiture. Moins de la moitié des communes dites « fragiles » seront aidées (273) et pour les autres, quelques miettes que vous leur accordez au titre des nouveaux CTS !

C’est une décision hostile au développement des communes et intercommunalités au moment où celles-ci sont chargées d’assumer de nouvelles dépenses et subissent, depuis 2 ans la baisse des dotations de l’Etat et depuis 2008 celles du département.

C’est un véritable coup d’arrêt aux investissements locaux qui sera lourd de conséquences pour les petites entreprises et artisans jusqu’à pénaliser fortement l’emploi et peser sur le chômage.

C’est une erreur économique !

En effet, le quotient multiplicateur lié aux contributions des autres financeurs, conjugué avec la capacité d’autofinancement des collectivités, fait que l’euro versé dans les communes et intercommunalités génère plus d’investissements que toute autre action.

Ce n’est pas respectueux du travail et de l’engagement des équipes municipales et communautaires qui travaillent au quotidien pour entretenir le patrimoine communal et apporter des services aux habitants.

Ce n’est pas digne d’une politique d’aménagement de notre territoire.

Cela va à l’encontre de vos beaux discours sur la solidarité !

Le budget primitif 2016 fait état d’une recette exceptionnelle de 23M€ au titre du résultat anticipé de 2015.

A travers le vœu, que nous vous avons déposé ce matin, nous souhaitons que cette somme soit intégralement consacrée à renforcer le partenariat aux communes et intercommunalités afin de réduire la « fracture économique » que votre majorité départementale a décidé d’enclencher !

Si le partenariat devait-être celui que vous envisagez, la question du maintien de la territorialisation des services consacrés sera à évaluer.

Une preuve de plus : l’abandon des territoires par la chute du programme des infrastructures routières : 10M€ en moins sur le réseau routier départemental.

La mise en œuvre de la Métropole n’appelle pas de remarque particulière de notre part sauf à veiller à ne pas trop dépouiller le département.

Par contre, la marche forcée pour la création du pôle métropolitain nous semble contraire au respect du droit des conseils communautaires et des délégués des communes ! Une telle décision ne peut se prendre dans la précipitation. Ce pôle métropolitain inquiète. La communication est nécessaire.

Le Haut débit pourrait être considéré comme un soutien au territoire, mais là aussi nous sommes loin du compte. Notre collectivité a voulu faire de cette politique un engagement prioritaire. Certes la dorsale existe mais les objectifs sont loin d’être atteints et les vicissitudes de la technologie Wifimax ne répondront pas à l’enjeu, bien au contraire, d’apporter le très haut débit à tous nos habitants à l’horizon 2022.

Le gouvernement l’a eu annoncé, la nouvelle majorité régionale est sans doute notre meilleur chance d’atteindre cet objectif avec la bonne technologie !

L’urgence est de mise. Le très haut débit est, aujourd’hui, la réponse la plus pertinente, à la fois aux enjeux sociétaux de notre époque et au développement économique des territoires. De grâce, soyons plus ambitieux !

Vous évoquez l’ingénierie territoriale. Comment pouvoir considérer cette « mesurette » comme une action percutante à l’intention des territoires. Les collectivités, aujourd’hui dépourvues de ressources suite à la très forte diminution de la DGF et du soutien du département, vont devoir limiter leurs investissements. Par conséquent le recours à l’ingénierie départementale trouve naturellement ses limites.

Après avoir abandonné toute ambition dans nos politiques économiques, plus particulièrement dans l’économie traditionnelle, vous considérez, à juste titre, que le plan collège nouvelle génération et l’investissement qui s’y rattache générera une activité économique salutaire pour nos entreprises Meurthe-et-mosellanes.

Celui-ci devait se réaliser sur la période 2012-2018. Compte tenu des investissements déjà réalisés 42,2 M€ (30% du plan) et des crédits encore nécessaires pour respecter votre engagement, vous préférez proposer une prolongation jusqu’en 2021 plutôt que d’avoir un recours massif à l’emprunt. C’est un choix  qui devra de toute façon trouver son financement puisque porté à 300M€ !

Concernant les ressources humaines, les différentes mesures obligatoires imposées par l’état mais aussi notre volonté de recruter des emplois aidés génèrent une hausse de près de 3M€. Pourtant vous affichez une diminution des dépense de 1M€ ! J’attends une explication ?

Dans le domaine de la protection des biens et des personnes, tout en saluant l’engagement de nos pompiers, le budget du SDIS nous interpelle. S’il est à l’équilibre en 2016, l’inquiétude demeure pour les années futures dans le cadre de la convention 2016-2021. Nous prenons là un retard inquiétant !

Pour finir, j’aborderai le budget proprement dit.
Que dire sur les recettes fiscales pour lesquelles le département peut fixer les taux ?

Bien que le produit de la taxe d’aménagement reste inchangé à 4,2M€, nous relevons une progression de 3,5 M€ de la taxe foncière, 7M€ des DMTO et encore 1M€ de la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité preuve de l’impact du coefficient multiplicateur !

La stabilité fiscale que vous revendiquez continue néanmoins à ponctionner les Meurthe et Mosellans de 11,5M€ supplémentaires !

 Concernant les recettes fiscales pour lesquelles le département ne peut voter les taux, nous enregistrons des recettes supplémentaires de 1,9M€ sur la TICPE, 2,1M€ pour la CVAE, soit 4M€ au total.

► A cela s’ajoute une hausse du fonds national de péréquation des DMTO de 1M€ + une augmentation de 1,4M€ issue des accords de Matignon.

► La fermeture de la centrale de Blénod nous fait perdre 0.9M€ au titre de l’IFER.

 

Au global, les recettes fiscales supplémentaires d’une année sur l’autre sont de 17M€.

Le fait de réaliser le budget primitif en mars vous permet d’intégrer une recette exceptionnelle – excédent de fonctionnement du compte administratif 2015 –dont nous voterons l’affectation en juin prochain de 23 M€ !

Et pourtant, alors que votre discours est de renforcer l’investissement, pour soutenir le BTP, les chiffres sont cruels ; ce sont 20M€ en moins en 2016, sur l’investissement global !

La volonté affichée de désendetter notre collectivité correspond-elle à une stratégie particulière ? Est-ce le résultat de la négociation visant à transformer notre dernier emprunt toxique ?

Nous pensons qu’il y a un niveau raisonnable d’endettement sans obérer l’avenir mais permettant d’asseoir la commande publique afin de maintenir un niveau d’activité et sauvegarder l’emploi.

Dans ce budget, nous constatons l’effort réalisé par notre collectivité en diminuant légèrement les dépenses de fonctionnement. En même temps, les recettes exceptionnelles issues des excédents de l’exercice 2015 auraient dû nous conduire à plus d’investissements.

Monsieur le Président, vous l’aurez compris, les orientations prises dans ce budget, plus particulièrement l’abandon de l’investissement dans les territoires, nous amènent à voter contre ce budget primitif.