L’inquiétante réduction des services publics notamment dans les territoires ruraux

Michel Marchal

Session publique du 25 septembre 2017.

Question d’actualité de Michel MARCHAL :

(Conseiller départemental du canton de Baccarat)

Monsieur le Préfet,

Ma question porte sur le devenir des services publics. Certes, un schéma d’amélioration de l’accessibilité aux services publics est en cours. Il est piloté conjointement par l’État et le Département. Il sera mis au débat au sein de notre collectivité très prochainement.

Cependant, je ne souhaite pas attendre ce moment pour vous interpeller. Il sera trop tard. Pour avoir participé, dans le cadre de ce nouveau schéma, à l’ensemble des débats et au regard de la faible participation des usagers et des pistes évoquées, je ne vous cache pas mes craintes.

L’enquête menée dans le cadre de ce schéma auprès des utilisateurs est édifiante. Les services attendus sont nombreux, ils concernent la santé, l’éducation, la mobilité, la sécurité, les commerces, la poste, les télécommunications, les sous-préfectures, les trésoreries, la présence bancaire avec les DAB. Et j’en oublie…

La mise en cause de l’existence même de ces services est davantage présente dans les secteurs peu denses et, par conséquent, les secteurs ruraux, éloignés des centres urbains.

C’est toute cette partie du territoire national que le Président de la République a oublié lors de la campagne électorale. Cette négation d’une fraction de territoire renforce mon inquiétude.

La situation est récurrente. Ces services disparaissent progressivement de manière très sournoise. Les horaires d’ouvertures ne sont plus adaptés ou ils sont réduits, provoquant un trouble chez les usagers. Les ratios de fréquentation ne correspondent plus aux normes établies en haut lieu. La densité géographique n’est pas prise en compte, par exemple pour le nombre d’élèves par classe ou pour l’activité d’un bureau de poste ou d’une trésorerie. La ruralité a ses spécificités !

En attente de position concrète, Monsieur le Préfet, pouvez-vous nous adresser un message rassurant ?

Nous sommes tous conscients que les évolutions de notre société et le mode de vie qui est le nôtre ont des conséquences sur la présence de ces services publics. Mais le service ne doit pas disparaitre pour autant. Il doit continuer à répondre aux besoins sous des formes différentes, adaptées au contexte du moment. Ces attentes ont été clairement identifiées dans l’enquête du Schéma d’amélioration de l’accessibilité aux services publics.

Ce qui est regrettable, c’est la méthode couramment pratiquée. La décision de supprimer un service est prise unilatéralement et bien souvent uniquement pour des raisons budgétaires.

Monsieur le Préfet, pouvons-nous imaginer que, dans un monde nouveau, nous puissions débattre en amont d’une fermeture de classe ou d’une gendarmerie et que les territoires ne subissent pas le diktat de l’administration centrale ?

Tous les élus de cette assemblée peuvent vous donner des exemples d’abandon des territoires. Ils peuvent vous confirmer que, dans la plupart des cas, ils ne sont pas invités à la réflexion.

Nous avons perdu beaucoup de temps. Beaucoup de services ont disparu. Il nous faut travailler sur le meilleur maillage possible de ces services. L’avenir de nos territoires passe par une présence suffisante et efficace des services publics.

Monsieur le Préfet pouvez-vous nous préciser très concrètement, l’ambition et les prévisions de ce gouvernement pour le maintien de l’ensemble de ces services sur les territoires ?

Monsieur le Préfet, merci pour la réponse que vous pourrez m’apporter.

Michel MARCHAL

 


Réponse de Philippe MAHÉ :

Préfet de Meurthe-et-Moselle

Monsieur le Conseiller Départemental,

Vous le savez, je suis comme vous très attaché à la présence des services publics dans tous les territoires, urbains et ruraux. Nous avons eu l’occasion, ces deux dernières années, de nous retrouver sur le terrain, dans votre communauté de communes et plus généralement dans 1e Lunévillois, pour concrétiser cet attachement.

Le devenir des services publics est une priorité de ce gouvernement comme du précédent. La Loi NOTRe du 7 août 2015 a prévu à l’élaboration d’un Schéma départemental d’amélioration de l’accessibilité des services au public élaboré conjointement par l’État et le Conseil départemental, en y associant les collectivités locales.

Comme vous l’avez souligné, nous avons pris le temps d’une large concertation, plus de 1100 réponses à l’enquête à la population, une étude INSEE, 6 Comités de pilotage, plus de 320 participants lors des 11 ateliers qui se sont déroulés dans les territoires de juin et d’octobre 2016.

Cette consultation a permis de repérer les principaux déséquilibres entre l’offre de services qu’ils soient publics et privés, marchands ou non marchands, et les besoins des habitants.

Nous avons pu, ensemble, arrêter un diagnostic, et définir un cadre stratégique et opérationnel décliné en 28 actions partenariales pour 6 ans :

► pour conforter l’offre de services dans les zones en déficit d’accessibilité
► pour développer les mutualisations des services sur l’ensemble du territoire.

Je sais que vous avez personnellement participé à ce diagnostic.

 

Parmi les orientations stratégiques du schéma, je retiendrai :

► maintenir et/ou développer les services indispensables à la vie quotidienne : Il s’agit de développer l’offre de santé (soins de proximité), des services courants (La Poste, etc.), qu’ils soient publics ou marchands (commerces et circuits courts par exemple), et des services assurant la sécurité des citoyens, nous avons des exemples concrets de commerces par exemple à Moncel-sur-Seille, à Lenoncourt, de MSP (maisons de santé pluridisciplinaires) nous en avons 11 en fonctionnement et 8 projets,

développer un service public de proximité avec les Maisons de Services au Public avec pour objectif d’améliorer la connaissance, la coordination et les mutualisations entre les opérateurs de services pour gagner en efficacité au bénéfice de nos concitoyens. Alors que l’usage d’internet se développe, que nous pouvons effectuer de nombreuses démarches en ligne, nous devons rester attentifs et à la disposition de nos concitoyens qui ne disposent pas d’internet ou qui ne l’utilisent pas aisément. Nous sommes passés de 11 structures pré-existantes début 2016 à 17 MSAP en 2017. Il y a d’autres projets, nous devons également couvrir l’ensemble du territoire de manière homogène, nous allons prochainement consulter les maires et présidents d’intercommunalités sur les besoins en ce domaine.

développer les mobilités, physiques et numériques, condition majeure de l’accessibilité aux services pour tous, Il est nécessaire d’adapter et d’améliorer l’offre de mobilité physique (en relais des grands réseaux avec par exemple des offres alternatives et de rabattement dans le secteur rural) et numérique (en termes d’infrastructures et d’usages). Il faut également soutenir les dispositifs d’intermédiation sociale car de nombreux publics manquent d’information pour l’accès aux droits.

 

Ainsi, à titre d’exemple dans le cadre ou en lien avec les orientations du schéma :

► la DDT, Citoyens et Territoires Grand Est, les Syndicats compétents et les services du Département travaillent actuellement sur la thématique de la mobilité de proximité en écho aux initiatives gouvernementales et au lancement des Assises de la mobilité ;

► l’ARS conduit la réflexion sur les soins de proximité (présence médicale, parcours des patients, etc.) avec la tenue de plusieurs réunions de concertation locale dans tout le département à compter de cette même semaine ;

► la Gendarmerie renforce ses liens avec les acteurs des territoires ruraux grâce à la signature de « contrats territoriaux de sécurité » et s’équipe d’outils numériques portatifs pour plus de présence sur le terrain ; etc.

► Ce à quoi s’ajoutent naturellement de nombreuses actions portées par le Département s’agissant du faire-savoir et des usages du numérique ou en lien avec la DDCS dans le domaine des solidarités par exemple.

 

L’objectif de ce schéma est d’apporter une réponse aux publics et aux territoires les plus fragiles, je serai à vos côtés dans cette ambition. Nous devons faire connaître ce qui existe et fonctionne bien, partager les bonnes pratiques, faire vivre ce schéma en favorisant son appropriation par tous les acteurs. Il sera prochainement soumis à l’approbation de votre conseil, je suis persuadé qu’une coproduction de services sera toujours plus bénéfique pour nos concitoyens que des critiques stériles.

Je voudrais compléter mon propos en vous indiquant que deux contrats locaux de santé sont actuellement en cours d’élaboration dans l’arrondissement de Toul. Cette démarche contribue pleinement à l’efficacité et à l’accessibilité des services publics.

Les contrats locaux de santé visent à consolider les partenariats et la mise en place en réseau d’acteurs autour de problématiques communes, Ils doivent permettre de développer des actions adaptées aux spécificités des territoires, en cohérence avec le projet régional de santé de l’Agence régionale de santé.

En septembre 2016, un diagnostic territorial de santé, partagé avec l’ensemble des acteurs et partenaires de santé, a été lancé.

Le 9 décembre 2016, une charte d’engagement a été signée entre les Pays terre de Lorraine, les communautés de communes et l’ARS. Le Conseil départemental est associé à ce dispositif.

En 2017, une démarche consultative auprès des acteurs du territoire a été déployée, elle a abouti à un état des lieux mettant en exergue les atouts et les points d’attention.

Quatre axes stratégiques ont balisé le travail de préparation des deux contrats locaux de santé : permettre à chacun de devenir acteur de sa santé ; réduire les inégalités sociales et territoriales de santé ; mieux coopérer entre les professionnels et agir sur notre environnement.

La finalisation de ces contrats est envisagée au premier trimestre 2018, en vue de parvenir à leur conclusion à l’horizon mai 2018.