Placement des personnes handicapées dans des établissements étrangers

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Session publique du 21 septembre 2015.

Question d’actualité de Michel MARCHAL :

(Conseiller départemental du canton de Baccarat)

Monsieur le Président,

Dans ses missions de solidarité, notre collectivité se doit de proposer aux personnes handicapées dépendantes un accueil en établissement. Nous constatons avec regret que, face à l’insuffisance de places dans les structures d’accueil de notre département, les familles s’orientent vers les pays étrangers, principalement la Belgique.

Monsieur le Président pouvez-vous nous préciser le nombre de personnes handicapées dépendantes issues de notre département, accueillies à l’étranger ?

Pouvez-vous nous communiquer les montants des crédits versés aux établissements étrangers pour financer leurs frais de soins et d’hébergement ?

Quelle politique souhaitez-vous conduire pour remédier à cette carence incompréhensible ?

Bien que nous ne soyons pas le seul département à se complaire de cette situation, nous ne pouvons humainement l’accepter.

D’une part, en l’éloignant la personne handicapée de ses proches, on rompt un lien familial très important pour les uns et les autres.

D’autre part, dans le contexte économique difficile que nous connaissons, la création de structures d’accueil préserverait le lien familial tout en créant de l’emploi à travers les nouvelles constructions et les services apportés aux résidents.

Je vous remercie pour les réponses que vous pourrez m’apporter.

 


Réponse de Annie SILVESTRI :

(Conseillère départementale du canton de Villerupt)

Monsieur le Président, chers collègues, monsieur MARCHAL, je veux vous rappeler les compétences du Département en matière de prise en charges des personnes en situation de handicap.

D’abord, quelques éléments de pédagogie : l’accueil des personnes handicapées en établissement relève de la compétence conjointe du Département et de l’ARS. Le Département prend en charge les frais d’accueil et d’accompagnement des adultes les plus autonomes exclusivement. L’assurance maladie, via l’ARS, prend à sa charge les frais d’accueil et de soins des enfants handicapés et des adultes les plus dépendants, ainsi que des adultes qui travaillent en ESAT.

Pour répondre aux différents points que vous soulevez, à ce jour, 46 personnes âgées de 20 ans et plus en situation de handicap et ressortissantes de Meurthe-et-Moselle sont accueillies en Belgique, et ce, à la charge du Département. A ce nombre s’ajoute celui des enfants et des adultes à la charge de l’assurance maladie. Soit au total 152 personnes, dont 60 adultes et 92 enfants Meurthe-et-Mosellans. Concernant cet accueil, je souhaite insister sur deux points non négligeables. Il s’agit essentiellement d’un accueil de proximité. Parmi eux, 77% résident dans le nord de la Meurthe-et-Moselle. Pour les adultes à la charge du Département, plus de 60% des adultes accueillis dans des établissements belges à moins de 50 kilomètres de leur domicile antérieur, le plus souvent le domicile parental.

Vous mesurez donc que la rupture familiale que vous évoquez est toute relative. Le montant des dépenses pour le Département est de l’ordre de 180 0000 euros. Il convient également de préciser que le coût individuel est sensiblement équivalent en France et en Belgique. Depuis plus de 10 ans, le Département s’est saisi de cette question avec un partenariat développé avec l’Agence Wallonne d’Intégration des Personnes Handicapées (AWIPH) qui a permis d’aboutir en 2010 à la décision que l’Assemblée Départementale de choisir de financer, à compter de cette date, exclusivement les accueillis Meurthe-et-Mosellans en établissements agrées. En outre, l’orientation d’une personne vers la Belgique est nécessairement précédée d’une recherche préalable de places en Meurthe-et-Moselle, voire dans les Départements voisins.

Plus largement et de façon succincte, l’insuffisance d’accueil de personnes handicapées en Meurthe-et-Moselle est lié à l’inadaptation de certaines situations et à un manque d’offres, notamment dans les services de psychiatrie où l’on constate de nombreuses fermetures de lits. La réponse à ces situations relève plutôt d’établissements médicalisés dits foyers d’accueil médicalisés, compétence conjointe de l’ARS et du Conseil Départemental, ou des maisons d’accueil spécialisées qui sont une compétence exclusive de l’ARS. En nombre certes insuffisant mais souvent plus adapté au genre du handicap ne prenant pas toujours en compte les troubles du comportement et de la conduite.

Il s’agit donc de poursuivre le travail enclenché conjointement entre le Département et l’ARS pour faire évoluer les champs d’intervention en faveur des personnes en situation de handicap, notamment mental.

Enfin je vous indique également un rapprochement des Conseils Départementaux de Meurthe-et-Moselle et de Meuse pour évoquer cette problématique, partager nos états des lieux respectifs afin d’envisager ensemble une évolution et une meilleure adaptation de nos services. Il s’agit de l’action interdépartementale avec l’ARS, sachant que les Départements des Ardennes et de la Meuse ont également souhaité se joindre à cette démarche. Une première réunion est prévue le 19 octobre dans nos locaux.

Ces admissions révèlent souvent l’absence des liens familiaux, et parfois l’épuisement des familles devant ces situations complexes que les établissements de type foyers d’accueil spécialisés et non-médicalisés n’acceptent pas prioritairement.

Les établissements Belges sont moins spécialisés appréhendant le handicap de manière plus éducative que médicale ou psychiatrique. Exemple, des troubles du spectre autistique ou des épilepsies. Les règles de fonctionnement à l’étranger sont moins contraignantes. Cette approche du handicap avec une pédagogie plus polyvalente attire les parents dès le plus jeune âge de leur enfant handicapé qui, devenu adulte, n’a pas d’autre choix que de demeurer à l’étranger. Pour autant, cette insuffisance de place n’a pas pour signification une installation massive dans les établissements belges : 46 personnes handicapées sont en Belgique sur 1 200 personnes dont les frais d’hébergement sont pris en charge par l’aide sociale départemental de Meurthe-et-Moselle, soit en moyenne moins de 3 entrées par an.

Le Département, de par sa décision de 2010, a particulièrement contrôlé les admissions en Belgique en développant des offres alternatives d’habitats accompagnés par la mutualisation des établissements accueillant des personnes en situation de handicap et par l’équipe soignante de la psychiatrie.

Enfin, il est à noter la démarche commerciale des établissements belges, ces établissements sont soumis à moins de contraintes concernant leur mode de fonctionnement et ont une très forte communication notamment auprès des hôpitaux psychiatriques dont la capacité d’accueil est en constant recul.

Quelles sont nos orientations ? Celles déjà engagées consistent à :

► poursuivre nos échanges d’informations avec l’AWIPH au travers des rapports d’audit des établissements belges,

► poursuivre notre partenariat avec les établissements agréés par l’AWIPH à proximité du territoire de Longwy et plus spécifiquement avec l’établissement le plus proche situé à Libramont avec lequel une convention de partenariat a été signée en 2010. Cet établissement est reconnu comme faisant partie intégrante de l’offre de services du territoire de Longwy. Les accueils de jour sont très nombreux.

► poursuivre le développement de l’accueil diversifié dans l’accompagnement de personnes handicapées psychiques, certaines en liens étroit avec l’ARS, et le plus souvent avec la coopération du secteur de la psychiatrie de Nancy où il existe une fonction entre le CPN et le Conseil Départemental sans lequel cette offre ne serait pas durable pour les personnes handicapées. Un appel à projet des services  d’accompagnement médico-social pour personnes handicapées psychiques vient d’être lancé conjointement avec le Conseil Départemental et l’ARS,

► poursuivre et amplifier notre forte implication aux côtés de l’ARS et actuelle BPH, auprès de l’ensemble de nos partenaires (secteur de la psychiatrie, secteur des CHRS, établissements et services médico-sociaux, Education Nationale, protection judiciaire de la jeunesse) pour favoriser l’élaboration et la mise en œuvre de parcours adaptés et sans rupture pour les personnes en situation de handicap et mieux les accompagner dans leur parcours de vie.

A court terme, à la demande des Présidents des Conseils Départementaux de Meurthe-et-Moselle et de Meuse, un rapprochement de nos services respectifs est en cours pour évoquer cette problématique, partager nos états des lieux respectifs, envisager ensemble l’évolution et l’adaptation de nos centres de services et peut-être bâtir une aide interdépartementale avec l’ARS.

Les Départements des Ardennes et de la Moselle se sont associés à cette démarche, une première réunion étant prévue le 19 octobre prochain.

Dans le cadre du schéma «autonomie», sachez que les établissements médico-sociaux de Meurthe-et-Moselle pour davantage de ressources à destination de l’accueil et de l’accompagnement de personnes qui présentent des situations de handicap complexe, chronicisation des troubles graves de santé psychiques et neurologiques, troubles du comportement et comportement inappropriés.