Session publique du 29 novembre 2018.

Question d’actualité de Thibault BAZIN :

Conseiller départemental du canton de Lunéville-2

« Monsieur le Président,

Monsieur le Vice-Président,

Mes chers collègues,

 

En premier lieu, je me réjouis de l’aide prévue de 400K€ pour les agriculteurs en difficulté face à la sécheresse terrible. 43% de perte de récolte en moyenne pondérée. Les problèmes de trésorerie vont être terribles à la sortie de l’hiver. Pourriez-vous nous préciser les modalités de cette aide : quelle forme l’aide d’urgence va-t-elle prendre : subventions ? prêts ?

Cela étant dit, cet exercice du débat d’orientations budgétaires est intéressant si on ose le débat.

Est-ce que votre stratégie globale me convient ? Assurément non.

Mais ce serait trop facile de critiquer sans proposer. C’est ce que je vais m’atteler à faire en essayant d’être cohérent : je vous propose de mieux et moins dépenser en 2019 pour baisser la pression fiscale sur les porteurs de projets et relancer l’investissement dans nos territoires avec un emprunt d’avenir dans des conditions optimales.

Nous nous réjouissons tout d’abord de la maîtrise de la fiscalité, enfin pour ce qui concerne la taxe foncière qui n’a pas été augmentée depuis 7 ans.

Pour ce qui relève en revanche de la taxe départementale d’aménagement qui impacte les porteurs de projets de construction, d’extension de logement, je souhaiterais nous interroger. Vous savez que le secteur du bâtiment est en souffrance, les réservations de logements ont chuté dans notre région. Le Conseil Départemental n’en est pas le principal responsable – je vous le concède – mais il pourrait jouer un rôle positif en la matière.

Comme une partie de la recette de la taxe d’aménagement semble être inutilisée à ce jour, constatant plus de 10 millions d’euros non dépensés par les espaces naturels sensibles, somme qui pourrait permettre de financer les investissements prévus pour les prochaines années, et comme les dépenses récurrentes de fonctionnement avoisineraient près de 88% de la collecte de la taxe à son niveau bas,

  • Nous pourrions peut-être envisager une baisse de la taxe départementale d’aménagement de l’ordre de 10% ? ce qui serait un bon coup de pouce pour la construction. Et cela ne mettrait pas en péril les projets en cours et ceux à venir.

D’autre part, nous pouvons nous féliciter de la sortie des emprunts toxiques que vous aviez contractés par le passé et du niveau d’endettement bien maîtrisé de notre collectivité, bien inférieur à la moyenne de notre strate démographique. Mais cela pourrait aussi être un signe d’un manque d’investissement.

Prenons le plan collège nouvelles générations prévu initialement pour 2012-2018 lorsque vous l’aviez – Monsieur le Président – porté à cette époque comme vice-président délégué aux collèges, ce plan a pris du retard puisqu’il ne sera même pas fini à la fin du mandat en 2021, certains travaux ne seront même pas lancés. L’activité promise n’est pas au rendez-vous, en tout cas en volume.

Après avoir dépensé moins de 20 millions d’euros chacune des premières années de ce mandat pour les collèges, ce qui à ce rythme nous amènerait à finir le plan collège en 2030. Ce qui compte, ce ne sont pas les budgets qui sont affichés mais bel et bien les dépenses qui sont réalisées. Or, à mi-mandat nous avons sur un plan à plus de 300 millions d’euros seulement 105 millions d’euros engagés sur les collèges. Et les crédits de paiement à seulement 68,2 Millions d’euros sont bien inférieurs à ces autorisations de programme.

C’est vrai, les investissements augmentent pour les collèges en 2019 avec 32 millions de crédits en investissement mais ce n’est pas suffisant pour tenir les délais annoncés. Et ces investissements retardés de facto vont nécessiter des emprunts plus importants les deux derniers budgets du mandat que les 53,2M€ prévus à ce jour pour l’équilibre du budget 2019. Or, les taux d’intérêt risquent d’augmenter.

  • Ne serait-il pas opportun d’accélérer les investissements, en particulier sur le plan collège, et de prévoir dès 2019 un emprunt plus important qui sera moins coûteux pour la collectivité que si les emprunts sont reportés aux années suivantes ? Notre responsabilité, mes chers collègues, est d’emprunter au bon moment, c’est-à-dire celui où les conditions sont les plus propices. Et c’est maintenant !

En investissant davantage dans nos bâtiments, dans nos routes et nos ouvrages d’art, on relancerait l’activité et ainsi l’emploi local. Monsieur le Président, vous avez parlé lors de votre discours inaugural lundi du – je cite – « formidable levier de l’investissement ».

Il y a deux vecteurs : l’investissement direct, et l’investissement indirect en soutenant par exemple les communes. Or ce levier de l’investissement a été limité suite à la réduction en volume depuis 2015 des dispositifs de soutien (fin de la dotation communale d’investissement, dotations aux communes fragiles bien réduites). C’est un choix que vous avez fait. Vous me répondrez surement que c’est mieux que rien car il y aurait pu ne plus rien avoir. Dommage car j’estime que nous aurions pu se donner les moyens d’utiliser davantage ce levier.

Pour investir, il faut en avoir la capacité, il faut s’en donner la capacité.

Or, vous ne faites pas le choix de faire des économies de fonctionnement, contrairement à d’autres départements.

Certains ont fait appliquer les 35 heures hebdomadaires pour tous les agents départementaux, ce qui a même permis de mieux valoriser et de mieux promouvoir le personnel méritant. C’est surtout une question de justice vis-à-vis de tous les travailleurs. Certes vous avez fait une partie du chemin, mais vous n’avez pas été assez loin, ce qui vous privera de marges de manœuvre.

La situation des finances de notre département que vous évoquez depuis des années et la perspective malheureuse d’une perte de l’autonomie fiscale exigeraient une autre approche que celle que vous nous proposez, une approche courageuse afin de s’assurer que chaque euro dépensé par le conseil départemental soit un euro utile aux Meurthe-et-Mosellans. Faisons par exemple le bilan de la territorialisation.

  • Pour maintenir un niveau satisfaisant d’investissement, envisagez-vous Monsieur le Président un audit en vue d’un plan d’économies intelligentes de fonctionnement ?

Il s’agit non seulement d’arrêter de raboter des services pour nos territoires comme le déneigement de nos routes départementales en territoires peu denses, mais aussi de pouvoir de nouveau porter des ambitions à la hauteur des défis qui se présentent à nous. Je pense en particulier à la pérennité du patrimoine départemental, bâti et routier.

Vous ne faites pas rien mais nous pourrions faire davantage. Un département qui investit, c’est un département qui œuvre pour son avenir. C’est aussi le meilleur chemin pour pérenniser des services publics départementaux essentiels pour la vie quotidienne des meurthe-et-mosellans.

Je veux aussi évoquer le vieillissement de la population.

Demain, nous aurons à soutenir davantage l’aide à domicile et développer la prise en charge des personnes en perte d’autonomie. Les taux de reconduction des sections dépendance et hébergement des EHPAD que vous nous proposez évoluent moins vite que le coût de la vie. Je m’interroge ainsi sur l’évolution des tarifs des services et établissements fixés à 0,5%, ce qui est bien en deçà de l’inflation. Ce phénomène en ciseaux constitue une bombe à retardement.

Bien sûr, vous n’êtes pas seul responsable, cela dépend aussi de politiques nationales en la matière mais nous devons nous y préparer et nous tenir prêts.

Ces propositions, mes chers collègues, visent à donner un meilleur avenir aux Meurthe-et-Mosellans : avec de l’emploi, des services, une capacité à accéder à la propriété grâce à un pouvoir d’achat préservé.

Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous invite à amender vos orientations budgétaires pour construire un budget 2019 davantage à la hauteur des défis que nous devons relever ensemble. »

 

Thibault BAZIN