Emplois aidés : dérives et bilan mitigé

Jean Loctin

Session publique du 23 novembre 2016.

Question d’actualité de Jean LOCTIN :

(Conseiller départemental du canton Nord Toulois)

Monsieur le Président,

Mes chers collègues,

Je voudrais attirer votre attention au sujet des emplois aidés, le département jouant un rôle majeur dans leur mise en œuvre.

La Cour des comptes a étudié avec le sérieux qu’on lui connait ce sujet dans son rapport sur « l’accès des jeunes à l’emploi » rendu en septembre dernier : les contrats aidés ont une place importante dans ce rapport puisqu’ils sont un élément essentiel des politiques publiques visant à faire rentrer les jeunes sur le marché du travail et ce par-delà les alternances qui se sont succédées.

160 000 jeunes bénéficiaient d’un contrat aidé. 80% d’entre eux travaillaient dans le secteur non marchand, les 20% restants dans les entreprises.

Les sages de la rue Cambon dressent un constat mitigé quant aux effets de ces contrats aidés. Leur efficacité n’est pas démontrée et leur mise en place a pu conduire à certaines dérives. Si ces contrats permettent aux jeunes qui en bénéficient de mettre un pied sur le marché du travail, il s’avère que pour beaucoup cette expérience ne sera que temporaire. Les magistrats financiers ont mis en évidence une inégalité flagrante entre les bénéficiaires d’emplois aidés du secteur marchand et ceux du secteur non marchand.  En effet, en 2013, si 66% des jeunes en contrats aidés du secteur marchand ont trouvé un travail dans les 6 mois qui ont suivi la fin du dispositif, seuls 40% dans le secteur non marchand en ont trouvé. Les emplois aidés n’auront donc pas eu d’effet sur une majorité des jeunes qui en ont bénéficié.

Les sages regrettent que ces contrats, qui s’adressaient aux jeunes sans diplôme ni qualification, aient pu bénéficier à d’autres : les emplois d’avenir était initialement prévu pour les jeunes pas ou peu diplômés avec une dérogation jusqu’à BAC+3 pour les jeunes issus des Zones Urbaines Sensibles et des Zones de Revitalisation Rurale. Pourtant, assez rapidement des jeunes qualifiés et diplômés non issus de ces zones ont bénéficié de ce dispositif, sans que la loi soit respectée.

La Cour des comptes dénonce également les effets d’aubaine et les dérives créés par ce dispositif qu’une étude de la DARES met en évidence. Dans le secteur marchand, 63% des embauches en CUI-CIE et 47% des embauches en emplois d’avenir auraient été opérées même sans aides. Le rapport souligne que : « Dans le secteur public, les employeurs ont régulièrement recours aux contrats aidés, souvent sur les mêmes poste ». Une écrasante majorité des employeurs de contrats aidés souhaitent y recourir à nouveau, dont 65% pour les emplois d’avenir. Une dérive s’est même installée, elle permet de pourvoir avec des emplois d’avenir des postes permanents qui auraient dû être occupés par des fonctionnaires. Ce qui va à l’encontre des règles de gestion de la fonction publique.

Notre département, en élève appliqué de la politique gouvernementale, s’est fortement impliqué dans la mise en place et le développement des emplois d’avenir sur son territoire et s’était fixé en 2013 un objectif de 941 jeunes à insérer dans ce dispositif.  Ce dernier avait été présenté à l’époque comme votre meilleure solution de lutte contre le chômage des jeunes. Quelques mois plus tard, l’objectif trop ambitieux n’ayant pas été atteint, une aide forfaitaire de 3 000€ sur 3 ans a été mise en place pour tenter de donner un second souffle à l’engagement 34 du candidat François Hollande.

Monsieur le président, à la lumière des éléments contenus dans le rapport de la Cour des comptes, pouvez-vous nous dresser un bilan précis et chiffré des emplois d’avenir dans notre département tant dans le secteur économique que dans le secteur public. L’objectif des 941 emplois d’avenir a-t-il été atteint ?

Ces contrats ont-ils bénéficié aux jeunes sans diplôme ni qualification ou ont-ils été détournés de leur cible comme le dénoncent les magistrats financiers ? Ont-ils bénéficié du système de tutorat avec parcours de formation financés par les organismes paritaires collecteurs agréés, des dispositifs de la région ou du CNFPT ?

Enfin, l’objectif de ces contrats d’avenir a-t-il été rempli, à savoir donner un emploi durable à ceux qui en ont bénéficié et dans le cas contraire est-il raisonnable de continuer à mettre en œuvre une politique dont l’efficacité n’aurait pas été avérée comme les sages de la Cour des comptes le relèvent, sauf si encore une fois votre majorité se serait distinguée.

Merci de votre attention.