Commémoration du centenaire de la mort au combat des trois premiers soldats américains sur le sol de France

Commémoration du 3 novembre 2017

Discours de Michel MARCHAL en présence de :

Monsieur le Chargé d’affaires de l’Ambassade des États-Unis
Kara McDonald – Consul général des États-Unis
Dietmar Wenger – Consul général de la République fédérale d’Allemagne

En ce 3 novembre 2017, les soldats ENRIGHT, HAY et GRESHAM sont tués dans de cruelles circonstances, au lieu-dit « le Haut des Ruelles », sur le territoire de la commune de Réchicourt, à quelques centaines de mètres de là où nous sommes.
Parce qu’ils furent les premiers morts américains de cette première guerre mondiale, ils auront le triste privilège d’appartenir à l’histoire.

Bien que les États-Unis soient entrés en guerre très tardivement, puisqu’ils avaient adopté la neutralité, près de 120.000 soldats américains ne reverront pas le nouveau monde.
Les constantes attaques sous-marines perpétrées en Allemagne et l’offre d’alliance de cette dernière au Mexique, ont entraîné, le 6 avril 1917, la déclaration de guerre par les États-Unis.
Le Président WILSON, devant le Congrès, eut ces mots très forts « le temps est venu pour l’Amérique de verser son sang et de mettre sa force au service des principes qui lui ont donné naissance … »

Cependant, bien avant l’arrivée des premiers contingents, de nombreux ressortissants américains participent aux hostilités. Ils s’enrôlent dans la Légion étrangère ou dans la Croix rouge. L’escadrille La Fayette en deviendra un emblème.

Après trois années de combats, alors que le doute s’installait au sein des troupes alliées, cet engagement loyal redonne espoir. Cent ans après, il nous est impossible d’oublier, puisque cette terre du « Haut des Ruelles », qui a servi de linceul à bon nombre de combattants d’origines diverses, recèle encore de nombreux éléments rappelant ce terrible conflit.

L’Histoire s’incarne dans les paysages.
Les blockhaus disséminés sur le territoire et les tranchées encore apparentes témoignent de ces combats. Ces vestiges nous aident à imaginer la stratégie, les moyens déployés et les conditions de vie de ces valeureux soldats. L’œil averti de l’agriculteur saura reconnaître la terre bouleversée révélant le lieu d’implantation de ces tranchées, pourtant comblées depuis des décennies.
Il n’est pas rare que dans les champs environnants, le soc de la charrue mette à jour des éléments relatifs à cette guerre et de temps à autre un obus entier qui n’a pas explosé.

A ce titre, les habitants de ce territoire ont un lien particulier avec le passé.
Ce site, lieu d’émotion, n’est pas le fruit du hasard. Il est en zone frontalière. C’est un point stratégique culminant à plus de 300m, dominant d’un côté, la vallée du Sânon, avec en toile de fond la ligne bleue des Vosges, et de l’autre, la Loutre Noire et au-delà les communes annexées, conséquences du traité de Francfort.

Ce site est aussi et surtout un lieu mémoriel.
En 1917, une page de ce qui a fait le France a été écrite ici. Elle nous rassemble aujourd’hui.
De nouveau, 27 ans plus tard, une autre page racontera l’histoire tourmentée de notre beau pays du Sânon. Sur cette colline, en septembre 44, une des plus importantes batailles de chars d’y déroule. Une nouvelle fois, les États-Unis ont répondu présents.

Les habitants d’Arracourt, de Bathelémont, de Bures et de Réchicourt-la-Petite ont à l’évidence des rapports géographiques mais surtout fusionnels avec « le Haut des Ruelles » que les américains appelaient « Gypse Hill ».

Le temps a passé, les plaies sont refermées.
Aujourd’hui, cette colline est un lieu de sang mêlé que nous partageons avec vous, sans retenue, chers amis américains et allemands.
Le monument que nous inaugurons trouvera sa place, dans quelques jours, à l’endroit même où sont tombés les trois premiers « sammies ». Il sera là pour rappeler leur mémoire, tout comme celui de Bathelémont que la commune vient de restaurer.
Ce moment sera là aussi pour dire au monde, 100 ans après, que le sacrifice de ces braves combattants aura permis de réunir, aujourd’hui, dans un bel élan de fraternité, tous ceux qui veulent croire à un autre monde, celui de la paix et de la liberté.

Convaincu de la nécessité de faire de ce centenaire un événement exceptionnel, les élus de ce territoire, le Souvenir Français, les passionnés d’histoire, les écoles, les associations, ont adhéré à ce projet.
Sous une maîtrise d’ouvrage de la Communauté de communes, dans l’esprit de la mission centenaire, il a été décidé que les communes de Réchicourt-la-Petite et Bathelémont prendraient en charge les monuments.

En résonance avec le passé, pour faire de cet endroit un lieu que nous n’oublierons jamais, la Communauté de communes du Sânon a choisi de raconter et d’expliquer cette histoire au travers de panneaux implantés sur les différents sites et de créer ainsi un chemin de mémoire.
Il a paru nécessaire de localiser ce lieu symbolique par l’implantation d’une stèle et d’entretenir cette flamme de la mémoire par des conférences, des expositions et un spectacle qui vous sera proposé aujourd’hui et demain, en fin d’après-midi.

Je tiens à remercier les financeurs qui ont apporté leur soutien à la réalisation de cette manifestation: l’État (mission centenaire, réserve parlementaire), le Conseil régional, le Conseil départemental, l’ONAC, l’Europe, le Souvenir Français, la Fondation du Patrimoine et tous les sponsors. Je n’oublie pas non plus l’implication de tous les bénévoles.
Je voudrais remercier toutes les personnalités présentes ainsi que vous tous, habitants du pays du Sânon et des environs, qui êtes là aujourd’hui.

Nous ne sommes pas seuls.
Il y a quelques heures, de l’autre côté de l’atlantique, aux USA à Evansville dans l’Indiana, le Consul général de la République française de Chicago a participé à une manifestation en l’honneur du Caporal GRESHAM. Nous avons convenu, lors de notre échange téléphonique, ce jeudi soir, que lors de notre intervention, l’un à Evansville et l’autre à Réchicourt, nous évoquerions l’originalité de cette simultanéité.

Demain, ces manifestations appartiendront elles aussi au passé.
Le passé n’est pas seulement un regard nostalgique de notre histoire, c’est aussi une obligation et un devoir. Votre présence, à nos côtés, monsieur le Chargé d’affaires de l’ambassade des États-Unis, madame le Consul des États-Unis et monsieur le Consul d’Allemagne, donne à cette commémoration un caractère exceptionnel, hautement symbolique.

Merci monsieur le Consul d’Allemagne, votre présence est un clin d’œil au passé, un clin d’œil à cette belle idée qu’ont voulu le Général De Gaulle et le Chancelier Adenauer, à cette idée qui s’appelle Europe.
Merci monsieur le Chargé d’affaires, merci madame le Consul des États-Unis. Nous partageons avec vous une histoire. Les alignements de croix, en marbre blanc, dans l’immensité et la sobriété des cimetières militaires américains implantés sur notre territoire national, ne nous ferons jamais oublier l’engagement des États-Unis, à nos côtés, dans les moments difficiles. La Fayette avait tracé la voie de l’amitié.

Les soldats GRESHAM, HAY et ENRIGHT, comme tous les autres combattants, ne connaissaient peut-être pas toutes les raisons et tous les enjeux de cette guerre. Mais ce dont nous pouvons être sûrs, c’est qu’ils savaient qu’ils étaient envoyés dans un pays qui leurs était inconnu pour y combattre au péril de leur vie. Cent ans après, dans notre monde bouleversé, dans cette Europe qui doute, nous avons besoin d’un message d’espoir. La vie est une espérance qui nous invite à croire que la paix ne sera jamais une inaccessible étoile.

Permettez-moi de terminer en citant le Général PERSHING évoquant l’hécatombe humaine de cette guerre, qui devait être la dernière, « C’est à nous, les vivants, qu’il revient de poursuivre le but qui fut le leur et nous assurer que leur sacrifice a été utile. »

Je vous remercie.

Michel MARCHAL